Nuages de craie tracés
Sur ardoise bleue
“La nostalgie c’est le désir d’on ne sait quoi…” Antoine de Saint-Exupéry
*
À rêver de rivages blonds
À plat-ventre sur le sable
Le menton posé sur les paumes
Sentir ses cheveux onduler sous le vent
En pas de deux avec les graminées de la dune
Se dire que l’automne arrivera bientôt
Mais pour l’heure, retenir les secondes
Pour poursuivre le rêve
Et ne pas se réveiller
Encore
Sur un matin de rentrée…
Il suffit d’une plage sous un beau soleil et de quelques vagues
… pour que l’on voit sortir les planches
et les surfeurs …
qui apprennent
… qui arpentent
qui rêvent d’alizées
Il reste quelques planches en attente
… d’une armée de renforts
C’est encore loin l’Amérique ?
Suivez-moi c’est tout droit !
On aurait mieux fait de faire du stop !
“La mer touche au plus profond de l’homme.Dans la lumière du soleil, n’est-elle pas le miroir de l’âme humaine ?”
Philippe Plisson
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Photo M. Christine Grimard*
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Khalil Gibran écrivait que l’amour était
« un mot de lumière, écrit par une main de lumière, sur une page de lumière ».
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La journée était chaude, pourtant dans la maison de Germaine, il faisait frais. Julia eut la sensation d’entrer dans un four lorsqu’ils quittèrent la vallée ombragée par les châtaigniers et qu’ils prirent le sentier des crêts. Erik lui expliqua que c’était un raccourci et qu’ils redescendraient bientôt dans la combe où se situait la bergerie.
Une centaine de mètres plus loin, le chemin serpentait entre une rangée d’arbres immenses. Julia s’arrêta pour les admirer, impressionnée par leur majesté, Erik lui expliqua qu’ils avaient été plantés deux siècles plus tôt, lors de la construction de la grande maison, qu’il désigna d’un geste vague de la main. Julia remarqua alors un bâtiment sombre à moitié dissimulé sous les frondaisons. Cet endroit lui donnait la chair de poule et l’attirait à la fois comme si la maison l’attendait.
Mais déjà Erik avait continué à avancer. Elle le rattrapa en quelques pas avant qu’il ne s’aperçoive qu’elle était restée en arrière à contempler la « grande maison ». En lui montrant la vallée qui s’étalait à leurs pieds, il expliquait que cette terre était autrefois vouée à la culture du pastel et que c’est ce qui avait fait la fortune des hommes qui vivaient là. On parlait alors « d’or blanc » et de pays de cocagne, sur ces collines fertiles on produisait cette plante mythique qui permettait de teindre la laine d’un bleu incomparable. Mais la plante étant très exigeante, les sols furent bientôt épuisés et la culture se poursuivit plus loin dans une autre vallée, les hommes durent suivre et s’adapter ou mourir. Il existait encore un moulin pastelier désaffecté qui était dédié à la préparation des boules de feuilles de pastel sur le bord de la rivière, mais plus personne ne savait fabriquer l’agranat pour les teinturiers, en dehors des musées. Quant à la fleur et à ses secrets de couleurs, il y a longtemps qu’ils avaient été oubliés. Les industriels avaient réussi à produire d’autres instruments pour nourrir la passion des peintres et ils étaient peu nombreux à rechercher la rareté de ce bleu incomparable.
Erik parlait, parlait, de la beauté de ce pays, des reflets du pastel, de la blancheur du crêt, des orages sur la montagne, des étés brûlants, des hivers rudes, du courage des hommes qui avaient cultivé ces parcelles au moyen-âge, en ponctuant se phrases de grands gestes et sans reprendre son souffle. Ils étaient arrêtés au bord d’un ravin où l’on devinait encore le trajet d’un éboulis d’énormes pierres blanches qui brillaient au soleil, éblouissantes, et qui devaient être là depuis un millier d’années. Julia était fascinée par la beauté du site, et la passion de son compagnon. Elle comprenait combien il pouvait être attaché à un pays tel que celui-ci, il avait suffi de quelques heures seulement pour qu’elle se sente liée à ce pays, elle qui n’avait toujours été que « de passage » partout où le vent avait conduit ses pas. Et cette sensation lui était plutôt agréable, contre toute attente.
Ils quittèrent l’allée ombragée de la maison principale, et après quelques marches arrivèrent sur une esplanade dégagée entourée de rochers formant un arc de cercle. Contre la falaise, s’adossait une maisonnette basse au toit de lauzes. La végétation l’encadrait, lui donnant une allure de cabane de contes de fées. Julia sourit, elle avait l’impression d’arriver dans la cabane des sept nains, mais se garda bien de le dire.
–> A suivre <–
Avec les jours chauds, ils reviennent chaque année, avec leurs odeurs et leur vacarme. Heureusement, quand l’été est là, les enfants sont grands et sont partis du nid, alors ils ne peuvent plus les effrayer. Je les vois passer au bord de mon marais, avec leurs machines silencieuses de toutes les couleurs, qui avancent plus vite que le faucon. Ils font du bruit, ils grincent ou tintent joliment et parfois ils poussent des cris. D’autres sont plus calmes, je les vois arriver doucement sur le chemin de pierres, avançant sur leurs deux pattes aux grosses palmes de cuir. Parfois, ils se cachent dans les roseaux, ne bougent plus et ne font aucun bruit. Je sais qu’ils espèrent que j’oublie leur présence et que je m’approche. Je le sais parce que mon cœur reste en alarme aussi longtemps que je perçois leur odeur. Ils pensent qu’ils peuvent se fondre dans le paysage, les pauvres. Ils rêvent s’ils croient qu’ils pourront me capturer, j’ai des ailes, moi !
Je ne sais pas pourquoi, ils restent là à m’observer. Que veulent-ils de moi ?
Mes plumes ?
Dans le marais du Payré court une histoire que les aigrettes garzettes se sont transmises de génération en génération. L’arrière grand-tante de ma grand-mère, la grande Garza, la racontait aux héronneaux de l’année, chaque soir de printemps pour les prévenir avant qu’ils ne s’envolent du nid pour aller chercher d’autres lieux de pêche. Elle disait qu’aux temps anciens, avant que les dunes de l’estuaire n’aient disparu dans la grande tempête, les hommes étaient venus avec de grands bâtons plus dangereux que l’ouragan. Ils posèrent des pièges partout dans le marais et capturèrent les aigrettes naïves qui ne se méfiaient pas. Ils les capturaient, les assommaient avec leurs bâtons et les plumaient vivantes, pour garder leurs plumes aussi blanches que la lumière du matin. Il ne fallait pas les teinter de sang, sinon les belles élégantes n’en voulaient plus pour leurs chapeaux. Il paraît même qu’ à l’opéra de la grande capitale, les plumes d’aigrettes étaient très recherchées pour les parures des danseuses. Je n’ai jamais vraiment compris tous les mots de cette histoire, mais je la connais depuis mon enfance, et je sais qu’il faut se méfier des hommes, de leurs bâtons et de leur odeur. Toutes les aigrettes le savent…
Alors, quand revient la saison chaude, je me replie au fond de l’étier, sous les roseaux, et je ne sors qu’à la tombée du jour pour chercher un peu de nourriture. Ils ne m’auront pas.
L’autre jour, j’en ai entendu deux qui parlaient de chapeaux. Mon sang n’a fait qu’un tour !
Ils disaient que ce n’était plus la mode des chapeaux et que les hommes portaient des casquettes désormais, sans plume ni attributs décoratifs.
Si seulement c’était vrai, je pourrais dire aux autres qu’ils n’auront plus à avoir peur!
Enfin, méfions-nous. C’est sans doute une nouvelle ruse. C’est une race tellement rusée. Pour ce qui est d’exploiter le marais et l’océan même, ils ont toujours de la ressource ! Ne baissons pas la garde si vite. Je vais rester cachée jusqu’à l’automne. A cette époque-là, le marais retrouvera sa tranquillité et après les grandes marées d’octobre, tout redeviendra silencieux.
Il suffit d’attendre…
*
A vélo dans le marais vendéen, on respire !
Sur le sentier des marais on trouve: des étiers,
Des plantes domestiques égarées
Des Bouquets sauvages et anonymes …
Des graminées pomponnées …
Des moutons de prés salés …
Des familles en promenade
… un bouquet improvisé
Mais il faut rentrer, le sentier étant submersible et la marée montante ….
Une dernière pour la route ! –> FIN <—