Underground 2 : L’histoire de Paulo

Sous la surface des choses se cachent parfois d’autres choses, je vous propose de fermer les yeux, de laisser votre inventivité vous apprendre à voir les choses qui vivent derrière les choses.

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Photo M.Christine Grimard

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Paulo ne sait pas pourquoi il a marché jusqu’ici. Mais il l’a fait et finalement il est très fier de lui.

Il ne se savait pas capable d’un tel exploit. Certes il avait fait le chemin en plusieurs étapes, y avait consacré plusieurs mois, mais il était arrivé au but.

Au début, c’était pour relever un défi pris avec son copain d’enfance.

«Je te parie que tu ne pourras pas le faire jusqu’au bout …»

Et finalement, il s’était pris au jeu. Seul, puisque son copain n’est jamais arrivé au bout. La grande faucheuse en avait décidé autrement.

Il ne se remettait pas de ce deuil. Son copain, son alter-ego, son frère, il était sûr que la vie ne serait plus jamais la même sans lui. Ils se connaissaient depuis la communale et il ne se souvenait pas d’un seul jour où ils ne s’étaient parlé depuis leur rencontre. Jusqu’au jour de son départ…

Il n’en revenait pas. Tout avait été si vite.

Le début du chemin dans les montagnes d’Auvergne, le dénivelé, le froid. Puis la plaine, puis les Pyrénées. Tant de choses qui expliquaient que la fatigue les écrase. Mais pour lui, il suffisait d’une nuit de sommeil pour s’en remettre. Son copain accumulait les jours d’épuisement, cet essoufflement qui le prenait parfois même en plaine et cette pâleur. Jusqu’au jour du malaise…

Il n’oublierait pas cette petite chambre d’hôpital dans la montagne où tout était blanc, un avant-goût du paradis avait dit son ami, rassemblant ses dernières forces pour plaisanter. Puis le diagnostic qui tombe, sans appel. Trois jours d’incrédulité et de larmes, un adieu dans les limbes du coma et la mort qui lui saute à la gorge. Il ne sait pas comment il a trouvé la force de repartir. Il l’a fait pour lui, a récupéré son sac et a repris le chemin. C’était une idée dérisoire et pourtant indispensable. Finir pour lui en portant son sac comme il l’aurait fait. Un dernier sursaut. Un hommage, un tribut offert à leur amitié plus forte que la mort.

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Il est arrivé au but. Et maintenant qu’il est assis dans cette cathédrale entouré de tous ces pèlerins, il se demande ce qu’il fait là.

Une messe solennelle est donnée où l’on égrène un à un, les noms de ceux qui ont accompli leur chemin. Le nom de son ami et le sien sont déclinés avec les autres, il l’a demandé expressément en faisant tamponner son passeport à chaque étape en même temps que le sien. On lui a accordé cette dérogation exceptionnellement. Son histoire attire la compassion. La bénédiction est donnée à l’assemblée et le « Botafumeiro » monumental balancé au bout de sa corde au-dessus de la tête des pèlerins. L’encens forme une colonne dans le cœur de la nef, bientôt dissipée par l’ouverture des portes et la sortie des fidèles. Peu à peu l’assemblée se disperse, les gens repartent joyeusement en se congratulant. Paulo reste seul dans le silence et le recueillement, épuisé d’émotion.

Une heure s’écoule où il laisse défiler dans sa mémoire les beaux souvenirs de leur enfance commune. Il commence à s’engourdir. Le froid de la nef désertée tombe peu à peu sur ses épaules. Il se sentait écrasé par le silence et la hauteur des voûtes. Il lève les yeux vers le chœur à l’instant où un rayon de lumière traverse le vitrail du campanile. Il est subjugué par la beauté de cet instant. Il suit des yeux le rayon de lumière blanche qui se pose sur les pierres de la galerie, leur donnant la couleur de l’été finissant. Il se sent apaisé, comme si rien de fâcheux ne pouvait plus lui arriver. C’est peut-être ça l’état de grâce.

La lumière insiste, devenant éclatante. Il en est presque ébloui et cligne des yeux. Une personne d’avance au bord de la galerie qui lui sourit. C’est un jeune homme souriant qui lui fait un geste de la main. Instinctivement il lui répond en levant la main à son tour, en se demandant pourquoi cet homme lui fait signe. L’autre penche la tête et accentue son sourire.

Une main se pose sur son épaule droite, et quelqu’un lui murmure à l’oreille :

«Tu vois, tu y es arrivé ! »

Il se croyait seul dans la cathédrale et se retourne brusquement mais il n’y a personne.

Un petit rire provient de la galerie. Ce rire, il l’aurait reconnu entre mille !

Paulo lève les yeux vers la galerie, le cœur battant.

Tandis que l’intensité du rayon de lumière décline peu à peu, il n’a que le temps de voir la silhouette de son ami, qui lui envoie un petit baiser du bout des doigts, s’effacer doucement.

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Photo du jour : Fleurs de givre 

« Les vases ont des fleurs de givre,

– Sous la charmille aux blancs réseaux ;

– Et sur la neige on voit se suivre

– Les pas étoilés des oiseaux. »

Théophile Gautier
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Photo M.Christine Grimard

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Départ au petit matin, frissons et tremblements.

La lumière point à peine derrière les charmilles.

La voiture recule et sur le pare-brise, les fleurs de givre écloses durant la nuit, comptent leurs secondes de survie.

Le chauffage ronronne, la soufflerie vrombit.

Dans la lueur des phares, sur fond d’aube bleutée, se découpent les dentelles que la glace a brodées durant la nuit.

J’admire en silence, regrettant presque que cette œuvre éphémère doive bientôt disparaître sous les assauts du chauffage.

Je resterais bien là, sans bouger pour les conserver tant elles sont magnifiquement ouvragées, osant à peine respirer pour ne pas les effrayer…

Tant pis si je suis en retard.

Mais elles commencent à fondre !

Vite : une photo pour en garder le souvenir, et le déguster aux temps chauds.

Le portable, finalement, ça a du bon, quand on s’en sert autrement que pour téléphoner !

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Photo du jour : Fleurs d’hiver 

« Il était bien rare que Sido n’eût pas trouvé dans le jardin, vivaces, épanouies sous la neige, les fleurs d’ellébore que nous appelions rose de Noël.

En bouquet au centre de la table, leurs boutons clos, ovales, violentés par la chaleur du beau feu, s’ouvraient en une cascade mécanique qui étonnait les chats et que je guettais comme eux. »

Colette

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Photo M.Christine Grimard

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Pas de roses de Noël ici, mais des bruyères sous la neige.

Un peu de rose sur fond de blanc, ou alors un peu de poudre blanche saupoudrée sur le fuchsia.

Tout dépend de quel angle on regarde.

Tout dépend si le verre est à moitié plein ou à moitié vide…

Un peu de couleurs pour préfigurer celles du printemps, ou alors pour ne pas oublier celles de l’été dernier.

Peu importe de quel côté on regarde à travers la lorgnette.

Regarder la nature avec les beaux yeux oblongs de Colette.

J’ai tendance à focaliser le regard sur les petites taches de couleur que la vie prend au fil des jours.

Tant pis, si je passe à côté des noirceurs, ou alors tant mieux !

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Underground 1 : L’histoire de Yann

Sous la surface des choses se cachent parfois d’autres choses.

Les humains ont des yeux pour voir, des oreilles pour entendre, une peau sensible pour sentir et palper, une langue bien équipée pour goûter aux plaisirs de la vie, un nez fin pour capter tous les parfums du monde.

Et pourtant, ils sont souvent aveugles, sourds, agueusiques, anosmiques et sans aucune sensibilité. Certains très rarement, ont un sixième sens, et captent ce qui vit sous la surface des choses.

D’autres compensent leur étourderie par une belle imagination. Quelle que soit la catégorie dans laquelle vous vous situez, je vous propose de fermer les yeux, de laisser votre inventivité vous apprendre à voir les choses qui vivent derrière les choses

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Photo M.Christine Grimard

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Yann connaît cette plage depuis qu’il a dix ans.

Ses parents ont décidé un beau jour de quitter la ville, ses tours et ses illusions, pour venir habiter sur ce coin de littoral sans savoir ce qu’il adviendrait d’eux. C’était un pari fou mais ils l’ont réussi. Le père s’est engagé sur les thoniers de l’île où il y a toujours besoin de main d’œuvre et la mère dans la sardinerie de la ville. Ils ont trimé dur pendant cinq ans et ont fini par mettre assez d’argent de côté pour pouvoir monter un petit commerce sur le port. Depuis, ils vendent des sucreries traditionnelles et les gâteaux typiques de la région, des glaces à la crème et à l’italienne, des crêpes et pendant un temps ils ont même étendu leur menu jusqu’à la soupe de poisson en bocaux, les sardines en boites locales et des « Fish and Chips » à emporter.

Yann admire la ténacité et le courage de ses parents. Mais il n’est pas de leur trempe et à laissé son frère prendre leur succession. Il a choisi un métier différent. Il a besoin de stabilité. Ce déracinement lorsqu’il avait dix ans l’a marqué malgré tout. Il a besoin de vision d’avenir, d’un métier solidement ancré dans la tradition qui lui assurera un équilibre dans l’avenir. Il a fait son apprentissage dans l’ébénisterie chez un artisan de la région qui lui a appris tout ce qu’il sait. Il était « compagnon du devoir » et forme ses apprentis dans le même esprit, celui de l’excellence. Il aurait voulu devenir charpentier de marine, mais l’occasion ne s’était pas présentée et ce n’est pas un métier que l’on peut improviser, alors en attendant, il fabrique des chaises en pensant qu’elles seront très utiles à de nombreuses personnes. Et c’est très long à fabriquer une chaise bien faite !

Il atténue sa frustration en allant aider son copain Gaël à construire son voilier pendant les vacances d’été. Son père, aujourd’hui retraité est un ancien des constructions navales de Brest qui a participé à la restauration de célèbres voiliers. Il est de bons conseils et leur raconte des anecdotes sur les voiliers anciens tout en travaillant aux finitions. Il adore ces moments de partage. Encore quelques jours et Gaël pourra essayer ses voiles au large de la pointe du Guilloux.  Ils ne seront pas peu fiers de leur travail quand ils le verront quitter le port à l’heure de la marée haute.

Gaël et lui ont parcouru tous les chemins de la côte avec leurs vélos rouillés par le sel. Ils ont exploré des marais oubliés, des cabanes d’ostréiculteurs désaffectées, des grottes dans les rochers du Diable d’où il fait partir dès la marée remontante sous peine d’être noyé dans les boyaux du malin. Ils ont peuplé leur enfance de monstres fabuleux et de fées mutines, ont couru les filles ensemble, pris ensemble leur première cuite, fumé ensemble leur première cigarette. Ils sont copains, à la vie à la mort, frères de sang. Cela l’inquiète un peu qu’il parte seul sur un voilier qu’ils ont construits eux-mêmes. Si quelque chose de fâcheux lui arrive, il aura des remords jusqu’à la fin de ses jours…

Ce soir-là, il arpente la plage à grandes enjambées. Leur plage. Celle où ils ont passé tous les mercredis de leur enfance. Il regarde l’horizon et l’imagine seul, navigant au large. La marée descend doucement, ce soir il y a très peu de vagues. Le vent est tombé. Yann s’assoit sur la dune, le soleil va bientôt se coucher, il essayera de voir le rayon vert. Il faut être attentif, cela ne dure qu’une seconde.

Les rochers du piège à poisson forment une masse sombre, entourée de l’or du couchant que l’estran reflète. Il a toujours trouvé beau cet amas de rocher construit aux temps où les hommes n’avaient aucune aide mécanique pour le faire. Il se demande souvent comment ils ont pu faire. C’est pareil pour les dolmens, la Foi soulève parfois des montagnes. Il a souvent pensé que ces quelques roches sombres sont encore être imprégnés des croyances magiques de ces hommes depuis longtemps disparus. Penser aux générations qui l’ont précédé sur ce rivage lui donne le vertige. Il ferme un instant les yeux pour mieux les imaginer…

  • Un glissement sur le sable tout près de lui, à peine audible, comme si quelqu’un marchait sur la dune sur la pointe des pieds. Il ouvre les yeux et tourne la tête en direction du bruit. Il ne voit qu’une petite cascade de sable qui s’écoule doucement et s’arrête le long d’un chardon. Il sourit de son émoi, qui aurait pu marcher là puisqu’il est seul ce soir sur cette plage.

Il se retourne vers le large et son cœur s’arrête !

Elle est là devant lui grande et osseuse, toute vêtue de noir, le visage anguleux, un regard perçant qui le traverse. Il sursaute mais curieusement ne se sent pas menacé. Il jette un coup d’œil aux alentours, se demandant d’où cette personne est arrivée aussi brusquement. Il se lève pour être à sa hauteur mais elle domine de la tête et des épaules. Il n’a jamais vu une femme aussi grande jusqu’ici. Derrière elle, le soleil finit de se coucher et il lui semble que les rochers du piège à poisson ont disparu, bien que la marée descende. Son esprit reste bloqué sur cette incongruité. Enfin, où est passé ce piège à poissons ? Il se tord le cou pour l’apercevoir derrière elle, mais il n’y a rien.

Elle rit et ce rire est incroyable. On dirait une corne de brume. Il rit avec elle, nerveusement.

  • Ne cherchez pas à comprendre ce qui vous dépasse, mon jeune ami. Admettez-le, ça sera déjà très bien. Si vous ne voyez plus les rochers noirs, c’est qu’ils ne sont plus là où vous le pensez. Parfois, les choses prennent d’autres apparences. Peu importe, regardez-moi et écoutez-moi attentivement.
  • Mais enfin, qui êtes-vous ? demande Yann un peu perdu.
  • Ceci est une information inutile, répond la femme. J’aime bien votre ami Gaël autant que je vous apprécie. Je vous ai vus grandir, en beauté, pas toujours en sagesse. J’aimerais que votre amitié dure plus longtemps que le vent. J’aimerais que la vie vous sourie. Vous êtes des garçons « bien ».
  • Mais enfin, qui êtes-vous ? répète Yann de plus en plus interloqué.
  • Peu importe. Je suis là pour vous aider. Il faudra m’écouter et faire ce que je vous demande. Parfois, les questions sont inutiles. SI vous croyez que vous comprendrez tout de cette terre, vous vous bercez d’illusions mon jeune ami. Il y a tant de choses qui vous dépassent pauvres humains, alors que vous croyez tout connaître.
  • Mais enfin…
  • Taisez-vous ! Le temps presse. Vous allez rentrer, appeler votre ami et le convaincre de ne pas partir essayer ses voiles à la pointe du Guilloux. C’est un endroit dangereux où la mer est imprévisible. Plusieurs marins plus aguerris que lui y ont laissé leur vie. Les derniers c’était ceux de la « Belle Hermine ». Ils étaient dix et personne n’a survécu.
  • Mais comment le savez-vous ? demande Yann, les recherches sont abandonnées, on n’a jamais retrouvé le navire. Et ils n’étaient pas dans ces parages.
  • Si, ils ont dérivé vers la pointe parce qu’ils avaient perdu leur quille dans la tempête et les rochers du Guilloux ont fini le travail. Ne discutez pas, dites-lui cela et croyez-moi, il vaudrait mieux que vous arriviez à le convaincre…

Un bruit sec attire son regard vers le sommet de la dune, un goéland se perche sur une souche de pin maritime brisée par le vent. Yann se retourne vers la femme pour l’interroger de nouveau. Elle n’est plus là. Il balaye la plage du regard, elle n’a pas pu disparaître en si peu de temps. Devant lui, les rochers noirs du piège à poisson sont étalés sur le sable, la marée a totalement découvert l’estran. Dans quelques secondes la dernière ombre orangée du soleil aura plongé derrière l’horizon.

Il faut qu’il les atteigne avant la tombée de la nuit. Il faut qu’il sache…

Il dévale la dune en courant jusqu’aux roches noires. Il suit la ligne des rochers, ce ne sont que des blocs de granit recouverts d’algues où quelques flaques saumâtres restent bloquées par le reflux. Il les caresse du bout des doigts dans la pénombre ne sachant pas ce qu’il cherche. Soudain il sent une plaque métallique sous la paume de sa main, il tire mais elle est bloquée entre deux roches. Il la secoue violemment. Il est sûr qu’il doit le faire. La nuit tombe. Il s’arque boute et tire de toutes ses forces sur la plaque qui lâche d’un seul coup. Il tombe à la renverse sur le sable, pile dans une flaque remplie de varech. Peu importe, il se relève et part en courant en serrant sa plaque contre lui. Il sort de la plage au moment où le dernier rayon du soleil disparaît. Il reprend son vélo et rentre chez lui aussi vite qu’il le peut.

En pédalant, il pense à Gaël et se dit qu’il l’appellera dès qu’il aura repris son souffle pour lui raconter son aventure. Tant pis s’il le prend pour un dingue. Mais d’abord, il faut qu’il découvre ce que cache ce morceau de métal qu’il a récupéré dans le piège à poisson.  Il sent que c’est important.

Il arrive chez lui, éclaire son plafonnier et pose la plaque de métal juste sous la lampe. Elle est recouverte de varech et ressemble à un morceau de bois flotté. Il l’emporte vers l’évier de la cuisine et la rince à l’eau claire, frottant doucement pour enlever les algues. Quelques lettres apparaissent, un mot se forme, puis deux. Yann blêmit en lisant l’inscription.  Il recule en trébuchant sur le bord de la table où il pose la plaque. Sans la quitter des yeux, il cherche son portable dans sa poche pour appeler Gaël. Celui-ci répond à la seconde sonnerie.

  • Gaël, c’est moi. Tu ne dois pas sortir avec le voilier comme prévu. Je t’expliquerai ça de vive voix, mais il faut me croire. La pointe du Guilloux est un lieu maudit. Il ne faut pas aller là-bas. Attends-moi demain matin, je vais t’apporter quelque chose qui te fera froid dans le dos.

En fait, Gaël n’était pas là, il n’a eu que son répondeur. Tant pis, il le rappellera autant de fois qu’il sera nécessaire jusqu’à ce qu’il lui parle.

La plaque brille sous la lampe. Les lettres argentées se détachent du fond marine. Il ose à peine les regarder.

Puis il se décide et lis à haute voix :

« Belle Hermine ».

 

Phrases : Mots étoilés

 » Choisissez une étoile

ne la quittez pas des yeux

elle vous fera avancer loin sans fatigue et sans peine »

A.David-Neel

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Photo M. Christine Grimard

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  • Quand tous les mots m’auront abandonnée, je suivrai l’étoile du matin sans désir de retour jusqu’à me fondre dans la légèreté de l’instant.
  • J’abandonnerai les discussions sans fins, les questions sans intérêt, les vérités assénées, les mensonges éhontés, les déceptions programmées, les  peurs invétérées, pour suivre la première étoile du matin jusqu’au bout du possible.
  • Même si mes mots ne sont que poussières, même si d’autres les font danser avec plus de talent, même si tout a  déjà été écrit depuis la première seconde, je les poserai sur le papier sans prétention ni autre but que le plaisir de les regarder s’envoler dans la lumière de la première étoile.

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(Rappel de la consigne de cette rubrique : Citer la phrase d’un auteur qui vous touche, l’illustrer d’une de vos photos personnelles, écrire trois phrases en laissant venir les mots en liberté avec un mot commun emprunté à l’auteur cité -par exemple ici : étoile)

 

To Do List 33 : Blanc en Neige

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Photo M.Christine Grimard

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  • Se souvenir des hivers enneigés de l’enfance et du plaisir de descendre en luge le grand pré de l’ouest.
  • Compter les années de neige sur les vieux albums de photos argentiques.
  • Retrouver le goût des flocons fondant sur la langue, bouche ouverte tout grand vers le ciel et cou renversé à l’arrière.
  • Monter des blancs en neige pour le dessert et les présenter sur une petite crème anglaise à la vanille Bourbon.
  • Même si on aime la chaleur, espérer que la neige soit éternelle malgré le réchauffement climatique induit par les hommes.

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La ronde de Janvier (bis) : Aube

Voici mon texte écrit dans le cadre de la « Ronde » du moins de janvier à laquelle Dominique Autrou m’avait gentiment invitée à participer. Je l’en remercie de nouveau, et publie ici ce texte pour ceux qui n’auraient pas eu la possibilité de le lire.

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AUBE

 

Aube d’hiver. Le soleil se lève en retard, nimbé de plomb.

Un silence inhabituel enserre le monde de Pierre ce matin. Une oppression monte par vagues successives et le prend à la gorge, il refuse d’écouter cette douleur. Dehors, quelque chose a changé. Il ne saurait dire quoi.

Puis il réalise. Cette atmosphère ouatée. Ce froid…

Il a neigé durant la nuit. Il entrouvre ses persiennes. Devant sa fenêtre, les branches du tilleul nues depuis trois mois, se sont parées d’hermine. En toile de fond le ciel irisé de l’or de l’aurore, forme un patchwork de pastels, déclinant son humeur du rose au mauve.

Pierre s’émerveille. Il en oublie tous ses ennuis. Il est encore là pour admirer le ciel et plus rien d’autre ne compte. Il ne veut pas réfléchir, il veut juste savourer.

Il ouvre la fenêtre. Une vague glaciale lui saute au visage. Il frissonne. Peu importe que cela soit bon ou mauvais pour lui, il restera là baignant dans cette lumière. Il s’engourdit, il se fond dans le décor. Sa respiration s’atténue, son pouls ralentit, il sent ses joues s’empourprer et ses yeux se farder de givre. Il aimerait qu’on le retrouve là, immobile statue de gel. Tout serait fini, enfin. Il s’endormirait en douceur, sans souffrir.

Il sursaute. Le réveil vient de sonner. Rappel à l’ordre, ils vont arriver dans quelques minutes. Avec leur blouson bleu à croix blanche et leur sourire de jeunes hommes en pleine santé, il aime leur intrusion dans sa vie quotidienne. Chaque matin, ils le conduisent à travers la ville vers le feu qui le soigne. Il aime leurs plaisanteries et leurs illusions de jeunesse. Ils lui rappellent ses propres folies.

Combien d’aube verra-t-il encore ? Celles d’hiver sont les plus longues à venir, celles de printemps les plus douces, mais ce sont celles d’été qu’il aimerait admirer encore une fois. Ce serait un miracle, lui a-t-on laissé entendre. Et s’il décidait de tous les surprendre ? Il suffirait de le vouloir. Il suffirait de rassembler ses forces vives pour le faire mentir ce jeune médecin si sûr de sa science…

Pierre sourit à l’aube d’hiver, et à toutes les aubes qui suivront.

Non, ils ne l’auront pas avec leur pessimisme médical, cette aube sera la première d’une longue série.

N’est-ce pas magnifique une aube d’été ?

Que disait Rimbaud, l’enfant-poète déjà ? Il cherche dans sa mémoire ses Illuminations :

« J’ai embrassé l’aube d’été.

Rien ne bougeait encore au front des palais. L’eau était morte…»

J’embrasserai les aubes qui me restent, et tant pis pour l’eau qui est déjà morte. Moi je suis bien vivant et le resterai, aussi longtemps que cette lumière me portera.

Pierre referme la fenêtre. Une colombe vient se poser sur la branche du tilleul, juste en face de lui. Elle secoue ses ailes faisant tomber la neige en contrebas. Il la regarde et l’envie, elle n’a qu’à déployer ses ailes pour que le ciel chamarré lui appartienne. Elle se tourne vers lui, cligne des paupières puis entreprend de lisser ses ailes minutieusement. Elle est blanche comme cette aube de neige, comme les blouses blanches qui remplissent sa vie, comme la page qui lui reste à écrire. Il sourit, au fond c’est un beau présage que toute cette blancheur. Il a toujours préféré le blanc au noir. Après tout, à la place de la colombe il aurait pu se poser une corneille…

Pierre sourit à la colombe, à l’aube qui flamboie, à toutes les aubes à venir qui l’inonderont de leur lumière. Pierre sourit à la vie qui coule dans ses veines. Pierre sourit à ce jour supplémentaire qui lui est donné.

C’est si beau une aube d’hiver…

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Photo M.Christine Grimard

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Photo du jour : apaisement 

« Puisque j’ai rejeté l’épée,

il n’est plus rien d’autre que la coupe de l’amour

que je puisse offrir à ceux qui se dressent contre moi. »

Gandhi

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Photo M.Christine Grimard

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Viens faire la paix

Avec moi

Avec toi

Viens boire à cette coupe

D’amour et de joie

Je t’offre le miel et le vin

Partageons le nectar de la vie

Effaçons les mots de haine

Oublions les dogmes réducteurs

La vie est si courte

Pourquoi se complaire dans la peine

Festoyons dans la chaleur

Répandons la paix sur la terre

Et quand tu reprendras ta route

Qu’elle te conduise vers ta propre lumière

Que la paix soit

Avec toi

Avec moi

Que la paix soit !

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