Une image…une histoire : Rose des sables (2)

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Photo Marie-Christine Grimard

Le bruit se rapproche.

On dirait un long sifflement ou un glissement d’étoffe sur le sable. Il n’a jamais été peureux mais malgré lui, il sent l’angoisse lui étreindre l’estomac. Il décide d’en avoir le cœur net et sort du biplan. Il s’éloigne de quelques pas de son avion mais ne voit rien. Le désert est sombre et silencieux, une brise légère caresse le sable, on dirait le souffle d’un gigantesque animal. Il n’est pas facilement impressionnable mais se sent minuscule dans cet océan d’obscurité. Comme prévu, il est seul. Nul glissement et nulle lueur devant lui. Seule présence, celle des étoiles qui sont légions autour de sa tête.

Il sourit de sa propre peur.

Évidemment, il n’y a rien, ni personne ! Comment pourrait-il en être autrement à mille miles de toute terre habitée ? Il n’y a que lui et les étoiles.

Il pousse un soupir d’admiration et s’exclame : « Autant de beauté ça vous console d’être coincé ici ! »

Derrière lui, une petite voix lui répond : « Elles ne sont pas toutes identiques, parmi elles il y en existe une qui est plus la belle de toutes, enfin pour ceux qui aiment les roses…»

 A suivre

Une image… une histoire : Rose des sables. (1)

Photo Marie-Christine Grimard



Un biplan tangue entre les courants d’air chaud que le sable exhale en cette fin d’après-midi brûlante. Un crépuscule flamboyant souligne la beauté des dunes, le pilote ébloui en oublie presque ses difficultés.

Un coup d’œil sur le compas, il croise le reflet de son regard soucieux. Un poids lui écrase la poitrine. Quelques hoquets du moteur suffisent pour confirmer ses craintes, il n’a plus d’autre choix que de tenter un atterrissage acrobatique entre les dunes. Il en a vu d’autres, il connaît bien le désert, mais il se trouve loin de toute oasis et il sait qu’il ne pourra compter que sur son talent pour effectuer les réparations. La routine avec ce coucou rouillé, mais cette fois-ci il a un pressentiment bizarre. Cette angoisse ne lui ressemble pas, lui, l’homme aux nerfs d’acier comme le surnomment les copains.

Atterrissage en douceur sur le sable brûlant. Silence oppressant. A l’horizon, le soleil disparaît derrière le sommet de la dune la plus proche.

Il descend de l’avion, cale le train d’atterrissage avec quelques pierres ramassées alentour. Aucun vent de sable n’est prévu mais on ne sait jamais ce que vous réserve le désert. Il s’installe dans le cockpit avec sa couverture de survie, dîne de quelques gâteaux secs et d’une gourde d’eau et essaye de s’endormir. Demain, il faudra réparer dès l’aube.

Dans la nuit, un bruit inconnu le réveille. Un frôlement ou un glissement de sable, il ne peut l’identifier. Il ouvre les yeux, s’habitue à l’obscurité et finit par distinguer une lueur qui ondule sur l’horizon.

La lumière se rapproche très lentement. Il cligne des yeux pour en comprendre l’origine. En vain. Au-dessus de la verrière du cockpit, des milliers d’étoiles scintillent sur un écran de velours noir. Il quitte des yeux une seconde la lueur mystérieuse pour admirer le ciel. Quand il se retourne, elle a disparu.

—> A suivre

To do list 87 : survivre à ses larmes

Photo Marie-Christine Grimard

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Hésiter entre silence et hurlements

S’accrocher à la moindre étincelle

Rester muette devant l’horreur

Souhaiter devenir sourde et aveugle

Se décourager devant tant de noirceur

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Se demander si cela vaut encore la peine

Finir par croire que la bonté est vaine

Se recroqueviller sous les mots couperets

Tâtonner dans le noir et la désespérance

Rester là en silence écrasée de souffrance

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Poser sur ses lèvres un sourire contraint

Marcher droit sans montrer sa tristesse

Pardonner peut-être mais ne jamais oublier

Occulter les mots lourds et les paroles vaines

Ne monter aucun signe extérieur de détresse

Une image… une histoire : sans issue (3)

Photo Marie-Christine Grimard

Elle doit se dépêcher. Il faut qu’elle parte, elle va être en retard si elle traîne encore. La porte semble se refermer doucement, poussée par le vent. Il faut qu’elle l’atteigne avant qu’elle claque. Au-dessus d’elle, la mouette a disparu. Elle ne l’a pas vu partir.

Un sentiment d’urgence l’envahit. Elle ne sait plus pourquoi mais il faut qu’elle se dépêche. Elle devait prendre un train ou alors un bus, ou peut-être qu’on l’attend. Pourquoi elle ne se souvient pas ? C’est pénible. Et ce marteau piqueur dans ses oreilles, ça va durer encore longtemps ?

Derrière elle, la mésange bizarre pousse un cri. Surprise, elle se retourne. Quelqu’un est là, au bout du sentier qui lui fait un signe de la main. Qui est cette femme ? Elle lui est familière pourtant…

Elle lève la main pour lui répondre. L’inconnue lui sourit, le regard plein d’une infinie douceur. Au moment où elle franchit la porte, gardant la main sur la poignée pour qu’elle ne se referme pas sur elle, elle l’entend lui murmurer :

– Dépêche-toi de retourner là-bas mon enfant. Tu as encore beaucoup de choses à faire. Ne te retourne pas. Nous nous reverrons plus tard. Je t’aime !

…………….

– Madame c’est vous qui avez appelé les secours ?

– Oui, c’est moi ! Elle est tombée là, devant moi, d’un seul coup ! Elle était immobile devant cette peinture depuis je ne sais combien de temps, en plein soleil. Je la regardais de ma fenêtre et je l’ai vue tomber comme une pierre ! Vous croyez qu’elle est morte ?

– Non, mais il s’en est fallu de peu. Heureusement que nous étions pas très loin. On va la transférer rapidement aux urgences neurologiques, elle a entrouvert les yeux et nous a dit son prénom. Mais elle a oublié son nom. Vous avez fait ce qu’il fallait, ne vous inquiétez pas. Vous avez une idée de son identité ?

– Non, je ne l’avais jamais vue auparavant. Mais son sac est tombé au bord du trottoir. Regardez, il y a sûrement des papiers à l’intérieur.

– Merci beaucoup, madame. Rentrez chez vous maintenant. On s’en occupe.

– Aller les gars, on la transfère à Neuro. Ils l’attendent au bloc. On y va !

—> FIN

Une image…une histoire : sans issue (2)

Photo Marie-Christine Grimard

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Le parfum de chèvrefeuille est omniprésent. Elle avance précautionneusement sur les pierres qui dessinent un sentier faisant le tour du jardin. L’air est si doux. La mouette plane au-dessus d’elle, légère, presque immobile. Elle chevauche le vent mais n’avance pas d’un pouce. En la regardant, elle a l’impression que le temps s’est arrêté. C’est probablement parce qu’elle vole contre le vent comme un nageur à contre-courant qui s’épuise peu à peu. Ça doit souffler la haut pense-t-elle, bien qu’il n’y ait pas un souffle d’air sur son visage.

Plus elle avance au milieu des massifs de fleurs, plus elle est étonnée par la luxuriance de ce jardin. Cette année, il a fait si chaud que tout aurait dû griller. Les papillons s’en donnent à cœur joie. Elle s’approche d’un muret couvert de roses et de liserons. Comme c’est beau ! Décidément ce jardinier a les mêmes goûts qu’elle. Elle a toujours aimé les liserons qui s’accrochent là où on ne les attend pas et qui finissent par gagner leur place au soleil au milieu des fleurs orgueilleuses. Elle se battait toujours avec sa mère pour qu’elle ne les arrache pas !

Elle a déjà vu cette composition de couleurs, mais où ? Peut-être dans le jardin de sa mère, ou celui de son grand-père, c’est si loin tout ça…

Elle avance dans l’allée jusqu’à un petit bosquet où elle pourra s’asseoir un peu à l’ombre. Il fait tellement chaud qu’elle a mal à la tête. Elle s’allonge dans l’herbe, espérant que cela calmera le marteau-piqueur qui lui laboure les tempes. La fraîcheur de l’ombre la soulage. Sur la branche au-dessus d’elle, un oiseau la regarde en silence. Son regard fixé sur elle l’intimide. Cet oiseau est bizarre avec ses plumes jaunes et bleues. On dirait une mésange mais elle n’en a jamais vue d’aussi grosse. Et ce regard presque humain qui la dévisage !

Elle commence à regretter d’avoir franchi cette porte. Après tout, c’était sans doute interdit. Elle se redresse, un peu fautive, craignant que quelqu’un ne surgisse du bosquet pour la chasser. Mais elle est seule, au milieu de ce tableau figé dans le silence.

Elle réalise soudain que c’est ce silence oppressant qui lui enserre le cœur. Ces fleurs immobiles, cette mouette figée dans le ciel, cette mésange muette, tout ceci semble irréel. Il faut qu’elle sorte de là !

Une voix l’appelle là-bas de l’autre côté de la porte. Elle doit la rejoindre. Elle se relève brusquement mais est prise de vertiges. Sa tête va éclater, ses pieds sont lourds comme du plomb. Mais qu’est ce qui lui arrive ?

Encore quelques pas et elle sera sortie …

Encore un effort !

—-> à suivre

Une image…une histoire : sans issue (1)

Photo Marie-Christine Grimard

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Cette année, elle n’a pas pris de vacances, juste quelques jours pour décompresser entre deux contraintes. La crise n’en finit plus, il ne faut pas se plaindre. Elle ne fait pas partie des gens restés au bord du chemin. Elle ne manque de rien. Matériellement du moins…

L’été touche à sa fin. Les rues sont de nouveau envahies de véhicules. Le bruit a fait sa rentrée comme les passants pressés et les trottinettes.

Elle n’a pas envie de cette rentrée. On lui a volé son été. Rester en ville pendant la canicule devient de plus en plus difficile. Arpenter les rues surchauffées rend les gens nerveux. Même les chiens semblent impatients de rentrer chez eux. Elle sourit à un labrador qui tire sur sa laisse pour s’abriter sous un porche pendant que son maître a les yeux rivés sur son écran de téléphone. Un coursier débouche en courant du coin de la rue, il s’entrave dans la laisse et s’étale au bord du trottoir. S’en suit une bordée d’injures et une copieuse dispute avec le maître du chien. La routine…

Avec un peu d’imagination, elle aurait pu en faire une nouvelle ou un court métrage. Son rêve de devenir romancière n’a pas survécu aux contraintes de la vie d’adulte, sa mère qui aimait lire ses textes serait bien déçue si elle la voyait maintenant. Elle ne se souvient même plus où elle a rangé la boîte contenant ses ébauches de romans. Si elle les relisait maintenant, elle les trouverait sûrement sans intérêt.

Ici, les ruelles sont bordées de maisonnettes sans étage, les façades claires toutes différentes donnent à la ville des airs de demoiselle en dentelles. On s’attend à voir tourner au coin de la rue des couples en costumes de la belle-époque.

Elle s’accorde encore quelques minutes de flâneries avant de prendre son train. Se replonger dans les contraintes horaires ne l’enchante pas. Avec un peu de chance, elle pourrait rater le train…

Elle s’engage dans cette ruelle pour éviter la foule qui descend le boulevard. Ce quartier est peuplé d’artistes, ils ont décoré les façades de fleurs stylisées et de trompe-l’œil. Sur l’une d’elles, une porte bleue est entrouverte, donnant sur un jardin où poussent des roses trémières. Elle adore ces fleurs et ne peut s’empêcher de s’approcher. Si elle pouvait franchir le seuil, elle ferait bien un petit tour dans le jardin.

Le soleil se cache, la ruelle s’assombrit. Derrière elle une moto pétarade et se rapproche. Elle s’écarte prudemment de la chaussée en regardant le ciel qu’une lueur d’orage teinte de vert de gris. Le vent se lève. Elle frissonne. Au-dessus d’elle une mouette lance son cri strident la faisant sursauter. Elle se pose sur la lanterne au-dessus de la porte, et la fixe de son regard latéral.

Elle se retourne, la moto a disparu. Le silence se fait moite. Un parfum de chèvrefeuille tourne entre les murs, lorsque la porte s’ouvre devant elle. Elle n’hésite pas et franchit le seuil en souriant à la mouette qui s’envole et la précède dans le jardin.

–>>> à suivre

Photo du jour : Intempéries

« Un nuage passe,
Il fait noir comme en un four.
Un nuage passe.
Tiens, le petit jour ! »

Verlaine

Photo Marie-Christine Grimard

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La queue de la tempête

Passe sur nos têtes

Et l’on se sent si petits

Et l’on se sent démunis

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Certains ont tout perdu

Même leur vie

Et pourtant d’autres individus

Dans l’indifférence mènent leur vie

.

Tempêtes d’automne

Qui brisent et tourbillonnent

Tempêtes de printemps

Aux trombes tournoyantes

.

Pourrons-nous arrêter

L’emballement infernal

Que nous avons créé

Par notre égoïsme abyssal

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Est-il trop tard

Pour réparer nos erreurs

Est-il trop tard

Pour enrayer la terreur