To Do List 29 : Bonne année 2017

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  • Souhaiter sincèrement à tous, une année 2017 douce et clémente.
  • Faire le vœu que les hommes oublient la violence et la méchanceté, et ne se souviennent que de l’amour.
  • Vouloir le meilleur pour ceux que l’on aime et souhaiter avoir la force de les aider à l’obtenir.
  • Demander à la providence de vous accorder l’énergie nécessaire pour surmonter les obstacles du chemin.
  • Remercier son ange gardien de vous avoir aidé à traverser 2016 sans encombre.

Une image, une histoire : Les tuiles de Noël (partie 3)

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Photo M.Christine Grimard

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Matin de Noël, pour Franz c’est un jour comme les autres.

Il n’a rien prévu de spécial. Lorsqu’on travaille pour les fêtes, les gens prennent l’habitude de ne plus vous inviter. Le reste de la famille se réunit sans lui depuis que sa femme l’a quitté, les choses sont plus compliquées quand il faut choisir entre les convives pour ne vexer personne. Finalement, il préfère rester seul plutôt que de devoir faire bonne figure au milieu d’une assemblée où il n’a envie de voir personne d’autre que Lina. Elle ira déjeuner chez sa mère comme chaque année puis le retrouvera dans l’après-midi pour échanger leurs cadeaux avant de rejoindre les chalets. Il se souvient des matins de Noël où il allait la réveiller pour la conduire sous le sapin, et de son regard émerveillé devant les surprises qu’ils avaient préparées pour elle. En ce temps-là, sa grand-mère était encore là et Noël avait le goût de châtaignes et de miel de ses desserts. Il avait beau essayer, il n’avait jamais pu reproduire ce goût depuis sa disparition.

Il ne va pas se laisser envahir par les souvenirs, ni laisser cette larme glisser sur sa joue. Inutile de s’apitoyer sur son sort, Noël n’est pas forcément la féérie que l’on imagine et il y a tant de gens plus malheureux que lui. Il a simplement besoin d’un bon café et d’une aspirine, et ce mal de tête le laissera tranquille. Il a dû prendre froid en rentrant hier soir dans les ruelles en plein courant d’air.

Ce matin, les toits sont saupoudrés de glace ; il aurait préféré un peu de neige. Il s’approche de la fenêtre avec son café, quelques promeneurs bravent la brume glaciale, parmi eux Lina, emmitouflée jusqu’aux yeux lui fait un signe de la main. Elle pousse la porte de l’immeuble, pourquoi vient-elle le voir si tôt, contrairement à son habitude ? Il se précipite vers le lavabo de la cuisine pour laver son visage avant qu’elle ne monte, inutile qu’elle voie qu’il a pleuré.

Elle entre et vient l’embrasser pleine d’énergie, les joues rougies de froid :

  • Bonjour papa, bon Noël mon vieux père. J’ai besoin de toi !
  • Ma fille préférée, répond Franz en lui rendant son baiser, que puis-je faire pour t’être utile en ce matin de Noël ?
  • Tu as oublié ce que l’on a dit hier soir ? Il faut aller rendre visite à cet enfant et à sa mère, Jeanne m’a confié cette boîte de chocolats pour nous faire une entrée en matière. Cela ne peut attendre, je voudrais que tu m’accompagnes, j’ai un peu peur de ce que je vais trouver là-bas et on ne sera pas trop de deux…
  • Tu as raison, allons-y tout de suite. Jeanne a toujours de bonnes idées malgré son âge !
  • C’est une femme pleine de ressources, une vieille dame indigne comme j’aimerais l’être à son âge, réplique Lina. Elle m’a raconté des tas de choses sur grand-mère…
  • J’en étais sûr ! Comme si tu avais besoin de ce genre d’exemple, ta mère va encore dire que je te mets des idées folles dans la tête. Pour une fois, je n’y suis pour rien !
  • Laisse maman où elle est, je n’ai besoin de personne pour m’aider à me sentir vivante parce que différente, tu le sais bien. Elle a choisi le conformisme et le confort, pas moi. Tu devrais être content, je te ressemble plus que tu ne crois. Je suis aussi folle que toi puisque j’occupe le chalet voisin du tien et que je pétris de la pâte comme toi toute la journée. Ce qui sort de nos mains est très semblable même si tes œuvres sont plus éphémères que les miennes. Je crois que grand-mère serait très fière de nous voir nous geler côte à côte sur cette place à chaque Noël !

Les yeux de Franz se remplissent à nouveau de larmes, Lina pose sa main sur son bras.

  • Allons papa, tu es un incorrigible sentimental. Pire que moi ! Reprends-toi, il faut que l’on affronte des choses plus graves ce matin. Je n’aime pas me mêler de la vie des gens comme ça, mais il faut qu’on en ait le cœur net. On ne peut pas laisser cette jeune femme sans aide si elle en a besoin. Allons-y !

Il ne leur fallut que quelques minutes pour atteindre l’immeuble indiqué par Jeanne derrière la cathédrale. Il ne payait pas de mine de l’extérieur mais la montée d’escalier était pire encore. La porte cochère ne fermant pas, ils n’eurent aucune difficulté à entrer. Il avait plu à l’intérieur et à cause du gel, une stalactite de gel pendait de la verrière. D’après les noms sur les boîtes aux lettres, il n’y avait qu’une femme seule et elle vivait au premier étage.

Ils décident de tenter leur chance en frappant à sa porte.

Après de longues minutes, le silence est brisé par un grognement sourd et quelques pas légers s’approchant de la porte. L’enfant entrouvre la porte, précédé par le chien qui se précipite dans l’ouverture pour se placer entre lui et les visiteurs, crocs découverts. Il reconnaît Franz et l’accueille d’un jappement joyeux en remuant la queue.

  • Oh le Lutin des caramels et la dame aux santons, s’exclame l’enfant. Maman vient voir !
  • Ouaff, approuve Arthur.

Derrière lui, sa mère arrive d’un pas hésitant. Elle est très pâle, porte deux pulls et une écharpe. Elle les regarde en silence, l’air inquiet.

  • Ne vous inquiétez pas, réplique Lina, en souriant à la jeune femme nous venons de la part de Jeanne. Elle n’avait pas la force de vous apporter le cadeau de Noël qu’elle vous a préparé, et elle nous a demandé de le faire pour elle.
  • Oh, je vous en prie, entrez répond celle-ci d’une voix blanche, ne faites pas attention au désordre, j’étais couchée…

Une image, une histoire : Les tuiles de Noël (partie 2)

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Franz hausse les épaules et ne jette même pas un regard à la jeune femme qui ouvre l’auvent du chalet voisin du sien. Elle éclaire une à une les ampoules d’ambiance qui mettent en valeur ses santons. Il admire son travail même s’il refuse de le lui dire. Rien ni personne ne le forcera à l’avouer, encore moins à Lina. Les santons ce n’est pas leur culture ! Que viennent faire les traditions provençales en plein cœur de l’Alsace ? Depuis quelques années, les figurines de bazar fabriquées à Taïwan envahissent les marchés de l’avent, il avait même vu dans certains chalets vendre des personnages de Mangas et des robots de l’espace. Au moins, elle ne présente que sa production personnelle de santons d’argile peints. Il trouve que chacune de ses pièces est une œuvre d’art et qu’elle ne les vend pas assez chers, mais il ne lui a jamais dit. Il n’est pas très fier de lui au fond, se disant que son orgueil est mal placé. Il maugrée tout seul dans sa barbe en servant les clients qui font la queue pour son vin chaud. Il jette un coup d’œil de côté et sourit devant la file d’attente qui se forme devant la boutique de Lina. Les enfants surtout sont fascinés par les couleurs des habits et les visages des santons. Il y en a des dizaines, tous différents, ce qui représente des jours de travail. Il l’a souvent admirée lorsqu’elle met la touche finale à leur costume en se servant d’une loupe pour les détails infimes comme les fleurs de lavande microscopiques qui ornent les jupons des dames.

Il est si fier du succès de Lina, si fier de sa fille. Mais il lui en veut toujours d’avoir préféré l’argile à la pâte à sablés. Au fond, c’était presque la même chose, la terre nourrit le blé qui nourrit les hommes. C’est la même histoire qui continue, une histoire de mains qui pétrissent et d’amour du métier.

Cependant, elle n’avait pas à le laisser ici tout seul pour aller apprendre le métier de santonnier là-bas à Aix, auprès de sa sœur qui avait déjà trahi l’Alsace en épousant un provençal. Deux trahisons dans la même famille, cela fait beaucoup ! Il n’aurait jamais dû lui donner le prénom de sa sœur Hélène, ni en faire sa marraine. Elle l’a attirée vers son Sud puis dévoyée pour lui apprendre le métier de son homme. Il aurait tant voulu qu’elle prenne sa succession dans la boutique, sa fille unique, sa Lina. Il l’aurait voulu pâtissière comme lui, et voilà qu’elle est santonnière. Il n’est même pas sûr que ce féminin existe…

Il continue à grommeler tout seul, lorsque la chorale sort sur le parvis de la cathédrale en chantant « Douce nuit ». Les visages s’éclairent immédiatement et les enfants se taisent. Franz, anticlérical comme l’était toute sa lignée paternelle depuis cinq générations, se surprend à frissonner. Depuis le temps, il aurait dû avoir une indigestion de chants de Noël, et pourtant il ne s’en lasse pas. Il a toujours aimé les cantiques de la Nativité. Il n’y a pas de fête sans crèche ni chants traditionnels, il mettra le petit jésus en place dans sa crèche en rentrant ce soir. Son cantique préféré est « Il est né le divin Enfant », mais c’est juste parce que sa mère était croyante. Et puis, avec une fille santonnière, on est bien «obligé» de faire une crèche à la maison !

La messe de minuit terminée, les paroissiens se dispersent pour regagner la chaleur de leurs maisons et partager le repas de Noël avec leurs familles. La foule disparaît en quelques minutes, ne restent que de rares badauds autour des chalets. Il est temps de ranger leurs marchandises et de fermer le chalet jusqu’au lendemain.

  • M’as-tu gardé un peu de vin chaud ? dit une voix chancelante, je vais avoir besoin de me réchauffer, le curé fait des économies de chauffage on dirait !
  • Jeanne, je croyais que tu étais déjà rentrée, répondit Franz, passe par la porte de derrière, tu vas t’asseoir cinq minutes pour boire ton vin bien chaud, ça te reprendra avant de rentrer.
  • Bien aimable, jeune lutin. Je ne dis pas non ! Jamais je n’aurais cru que je serais un jour trop vieille pour la messe de minuit. Cette année, je l’ai trouvée interminable, il faisait un froid de canard dans cette cathédrale. Je me demande si je ne couve pas la grippe.
  • Viens à côté de ma gazinière, il y fait chaud, insiste Franz.
  • En effet, je crois qu’avec un petit bol de vin chaud, ça sera parfait, dit la vieille dame en s’installant. A propos de grippe, je crois que la mère du petit doit l’avoir attrapée. D’habitude elle ne laisse jamais sortir son marmot seul, il faut qu’elle soit clouée au lit pour ne pas l’avoir vu sortir.
  • De quel marmot parles-tu ? Demande Franz commençant à se demander si Jeanne a encore toute sa tête.
  • Le petit blondinet à qui tu as généreusement offert une partie de ton stock avant la messe. Je le connais bien, il habite derrière chez moi avec sa mère, dans l’immeuble insalubre que la mairie à soi-disant réhabilité l’année dernière. En fait de réhabilitation, le toit fuit et les fenêtres ne ferment pas. Ils tombent tous malades les uns après les autres, tout cela parce qu’on leur accorde un loyer au rabais. Tu parles !
  • Ah oui, l’enfant avec son chien, tu crois que sa mère a besoin d’aide ? demande Lina en fermant l’auvent de son chalet. Je pourrais y passer en rentrant si tu me montres où ils habitent.
  • Elle l’élève seule, je n’ai jamais vu d’homme avec eux. Elle semble très courageuse, mais je crois qu’elle survit de petit boulot en petit boulot. Je ne sais pas trop. Parfois j’aimerais avoir encore cinquante ans et pouvoir me mêler de ce qui ne me regarde pas, poursuit Jeanne.
  • Il me semble que c’est ce que tu fais déjà à longueur de temps… murmure Franz avec un sourire
  • Je t’entends, Lutin du diable, je ne suis pas encore sourde ! s’indigne Jeanne.
  • Arrêtez de vous disputer tous les deux, interrompt Lina, c’est grave si ce petit qui doit avoir six ans à peine, s’occupe seul de sa mère malade !
  • A cette heure-ci il doit dormir de toute façon, répond Jeanne. Ton père croit que je perds la tête, mais je suis la seule ici à avoir encore les pieds sur terre. Raccompagne-moi Lina, je te montrerai leur immeuble et demain matin, tu passeras les voir. Tu n’auras qu’à dire que tu viens de ma part, elle me connaît bien, je lui donne parfois un peu de repassage à faire pour arrondir ses fins de mois. Aller, il se fait tard pour mes vieux os, on y va !

Sur ces paroles, la vieille femme se lève d’un bond, attrape le bras de Lina, et l’entraîne avec elle.

On se demande qui soutient l’autre, pense Franz en les regardant s’éloigner dans la ruelle des blancs manteaux. Il entend la voix de la vieille dame résonner sur les calades :

  • Il faut que je te parle un peu de ta grand-mère, ma petite, avant d’avoir tout à fait oublié comment je m’appelle. Il est temps que tu saches un peu les bêtises que nous avons commises ensemble. C’était ma meilleure amie et je lui dois bien cela…

Voilà qui promet, pense Franz, elle va encore mettre des idées saugrenues dans la tête de ma fille qui n’en n’a vraiment pas besoin. Je ferais mieux de les suivre pour savoir où habite ce gosse.

Il se hâte de refermer l’auvent, y accroche le cadenas et s’engage dans la ruelle à leur suite dans la nuit glaciale.

 

–> A suivre <–

 

Une image une histoire : Les tuiles de Noël (partie 1)

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Photo MCh grimard

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Encore un Noël, un de plus. Il ne compte plus ceux dont il se souvient, ni ceux qu’il a oubliés.

Il préférait les Noëls d’antan, quand la neige était de la partie. Tout était différent, les sons plus atténués, l’ambiance plus ouatée. Les chalets de bois semblaient dans leur élément avec leurs toits enneigés, alors que là, ils paraissaient inachevés, désespérément nus. Lorsque la température descendait en dessous de moins dix, il offrait le second verre de vin chaud à la cannelle, les conversations se faisaient alors plus enjouées, les sourires plus francs, les rires plus éclatants. Il adorait regarder les joues de enfants rougir de plaisir en dégustant ses glaçons de sirop d’érable. Les pommes d’amour, écarlates de sucre, ne leur faisaient pas concurrence.

Alors chaque année, neige ou pas, il ouvre son chalet début décembre et le referme fin janvier. Il enfile son costume de lutin de Noël, sa grosse écharpe, et installe ses bocaux de sablés de toutes les saveurs et de toutes les couleurs, de midi à minuit, sur le marché de Noël au coin de la rue du presbytère à deux pas de la cathédrale. Le froid ne l’atteint pas, tant les sourires des passants le réchauffent. Il adore que les gens aiment ses gâteaux et reviennent lui dire, année après année. Sa mère avait ouvert cet étal quand il avait dix ans en complément de sa pâtisserie au cœur de la ville. Il avait naturellement pris sa suite quand elle avait rejoint son père dans le petit cimetière derrière le clos de l’évêché. Elle lui avait patiemment appris l’amour de la pâtisserie et lui avait transmis tous ses secrets. Après sa disparition, il avait ajouté de nombreuses spécialités à sa carte et sa réputation s’était copieusement étoffée. Les gens venaient de toute la région pour trouver ses sablés uniques et en orner leur table de fête.

Cette année, les passants se font plus rares devant son étal. La mode est au soleil, les touristes délaissent la région pour s’envoler vers les îles tropicales pendant les vacances de Noël. Le marché de Noël autour de la cathédrale qui attire des curieux depuis le Moyen-âge, n’est plus une destination privilégiée. Peu lui importe, il ne le manquerait pour rien au monde. Même s’il était le dernier, il continuerait à vendre ses sablés de Noël et son vin chaud. La tradition c’est son gagne-pain, l’hiver, sa plus belle saison. Année après année, il a étoffé son offre de pâtisserie, et depuis quelques années, ce sont les croquants aux noix et aux pépites de chocolat qui ont le plus de succès.

Un enfant blond s’approche de son chalet de bois. Il lorgne sur les caramels à dix centimes, et compte laborieusement les pièces qu’il sort de sa poche. A ses côtés un chien presque aussi haut que lui, le regarde, pousse un soupir résigné puis s’assied sur son derrière. L’enfant regarde les prix affichés sur les bocaux de gâteaux, puis celui des caramels, puis celui des sucres d’orge, compte à nouveau ses pièces, et enfin lève deux immenses yeux bleus vers Franz. Rassemblant tout son courage, il lui tend ses pièces et demande :

  • Excusez-moi de vous déranger, Monsieur le lutin. J’aimerais savoir combien je peux avoir de gâteaux aux amandes pour ma maman et de caramels pour moi et aussi un gâteau pour Arthur, avec toutes mes pièces.
  • Fais-moi voir ce que tu as, répond Franz.

L’enfant tend sa petite main vers celle l’homme, qui paraît immense. Le chien suit la transaction du regard, et renifle la grosse main qui se tend, puis remue la queue en signe d’amitié. Il fixe le regard de Franz qui se sent soudain intimidé et baisse les yeux.

Il compte les pièces que lui tend le petit, hoche la tête en souriant et lui dit :

  • Avec une telle fortune, tu peux avoir un grand sachet de gâteaux aux amandes et un autre de caramels mous, mais pas les durs qui sont plus chers ajoute-t-il en éclatant de rire.
  • Tant que ça, répond l’enfant ? Oh c’est super, je croyais que je n’avais pas assez ! De toute façon, je n’aime que les caramels mous, je ne peux pas manger les durs parce que j’ai perdu toutes mes dents ajoute-t-il en ouvrant tout grand sa bouche pour Franz.

Celui-ci éclate de rire, en voyant sa bouche où il manque toutes les incisives.

  • Tout dépend comment on me le demande, répond Franz, et toi tu as été très poli, alors ils sont moins chers. Et puis quand on a perdu ses dents, on a un prix d’ami !
  • OUAFF, conclue Arthur en battant l’air avec sa queue.

Franz hoche la tête en souriant, fait glisser les pièces du petit garçon dans sa poche et empaquette deux grands sachets de sablés et de caramels qu’il tend à l’enfant. Celui-ci s’en saisit et le remercie avec un grand sourire.

  • Merci Monsieur le Lutin, ma maman sera très contente, elle adore les gâteaux aux amandes. Je lui donnerai le soir de Noël. Il ajoute en se tournant vers son chien : allez viens, on rentre. Oh Arthur, j’ai oublié ton gâteau !

Le chien le regarde puis tourne ostensiblement la tête d’un air vexé, puis se couche le museau sur les pattes antérieures en lui tournant le dos.

  • Excuse-moi, Arthur, insiste l’enfant. Je te donnerai un de mes caramels. Allez, ne fais pas la tête, viens on rentre.

Le chien se lève alors en grognant, et suit l’enfant, la queue basse, en jetant un coup d’œil résigné à Franz au passage.

  • Quels sont les gâteaux préférés d’Arthur, demande Franz à l’enfant qui s’éloigne ? Pour le moment, je n’ai encore jamais cuisiné de gâteau pour chien…
  • Il aime les mendiants, répond l’enfant, mais je n’ai plus de sous. Je reviendrai quand j’en aurai.
  • Attends, dit Franz, il doit m’en rester deux. Tu me les payeras plus tard, il ne faut pas qu’Arthur rate son Noël.
  • Oh merci pour Arthur, dit l’enfant en jetant à Franz un regard émerveillé, je n’oublierai pas !

L’enfant s’éloigne avec son chien sur les talons, serrant sur son cœur ses paquets de sucreries. Franz les suit des yeux, une larme au bord des paupières. C’est un grand sentimental sous ses dehors de déménageur bourru. Il hoche la tête en se disant que le plaisir qu’il a lu dans le regard de l’enfant valait bien plus cher que tout son stock…

Une vieille femme emmitouflée jusqu’aux yeux passe devant son étal et l’apostrophe :

  • Voilà pourquoi tu ne seras jamais riche, Franz ! Ta mère était ma meilleure amie, elle disait toujours que tu n’avais pas le sens des affaires. Elle avait raison, mais là je suis sûre qu’elle est très fière de toi. Enfin, ça n’est pas le tout, je vais être en retard à la messe si je continue à te parler. Mets-moi quelques sablés de côté pour tout à l’heure, puisque je n’ai plus du tout de dents sous mes dentiers, j’espère qu’ils seront gratuits !
  • Jeanne, arrêtez vos bêtises, allez plutôt prier pour moi dans votre église. J’en aurais bien besoin puisque je vais faire faillite si je dois distribuer mes gâteaux gratuitement à tous les édentés de la ville. Je vous garde un bon verre de vin chaud, bien meilleur que le vin de messe. Mes sablés sont trop durs pour vos dentiers, et votre médecin vous les interdit avec votre diabète !
  • Je me fiche de mon médecin, c’est un jeunot qui n’y connaît rien. Il n’a jamais dû goûter à ton vin chaud, celui-là. La vie est courte, il faut en profiter, et des gâteaux aussi bons que les tiens, ça ne peut pas faire de mal. Arrête de me tenter, mécréant, je vais être en retard à la messe !

Et elle s’éloigne en direction du parvis de la cathédrale, en clopinant et en continuant à maugréer.

Franz, sourit dans sa barbe et se retourne pour baisser le feu sous le vin chaud. Un parfum de cannelle envahit la place quand il soulève le couvercle de la grosse marmite de fonte. Quelques passants se retournent sur l’odeur suave et chaude qu’il soulève à chaque tour de louche.

Une voix de jeune femme s’élève derrière lui :

  • Elle a raison, mais tu as bien fait de donner ces gâteaux au petit blondinet. Je suis d’accord avec toi. Même si on fait faillite, les gâteaux sont cuits pour faire plaisir aux gens le soir de Noël, et d’ici que le petit sache compter pour venir te rendre ce qu’il te doit, on aura bouffé notre stock …
  • Au lieu de dire des bêtises, ouvre ton chalet, ça vaudra mieux il est déjà l’heure de la messe, répond Franz sans se retourner.
  • Oh ça va, inutile de rouspéter, tu es jaloux parce que mes santons ont plus de succès que tes sucreries !
  • Oui, alors ça, ça n’est pas demain la veille, ici ça n’est pas une terre de santons… répond Franz en la regardant du coin de l’œil.

 

–> A suivre <–

Joyeux Noël à tous 

« Ami perdu, enfant perdu, parent, soeur, frère, mari, femme, que nous avons perdus, nous ne voulons pas vous rejeter ainsi ! Vous tiendrez la place qui vous est précieusement gardée dans notre coeur, au coin de notre feu, en ce jour de Noël. »La Maison d’Apre-Vent – 

Charles Dickens

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Que cette nuit de Noël vous apporte joies et plaisirs.

Que les instants partagés avec ceux que vous aimez illuminent vos souvenirs.

Que l’espoir porté par naissance du Christ, éclaire votre chemin.

Que la vie vous soit douce.

Photo du jour : avant, avent !

22 décembre Dans trois jours c’est Noël…

Il faudrait que je me décide à décorer la maison, trouver un sapin, sortir les santons de leur papier de soie, réfléchir au menu, faire des paquets pour les cadeaux achetés, préparer Noël quoi…

Jamais, la sensation que la fête arrive ne m’a aussi peu motivée.

Je n’ai encore mis le nez dans aucune paillettes, aucun ruban doré, aucun carton de décoration. Il me reste samedi pour le faire, j’ai pris un jour de congé !

Certaines années, l’énergie est manquante et le poids des absences est trop lourd. Peut-être que les chants de Noël et les chocolats Me motiveront.

23 décembre : Il reste deux jours…

Photo Google

Poème  : dans l’air de l’hiver 

« Dans l’air de plus en plus clair 

Scintille encore cette larme 

Ou faible flamme dans du verre

Quand du sommeil des montagnes 

Monte une vapeur dorée »

Philippe jacottet 

Photo mcgrimard

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Zestes de lumière 

Fraîcheur de l’air 

Chaque jour plus clair

Scintille l’hiver 

**

On a tourné la page 

Du solstice d’hiver 

Les nuits seront moins sages  

Les jours seront plus clairs 

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Restent les mois de glace 

Où l’on perd toute trace 

 De l’été aux parfums fugaces 

Que le vent givré efface 

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Le plus dur 

Est 

À venir 

Mais 

La lumière renaîtra

Ateliers d’écriture d’Hiver de @fbon numéro 2

Pour ceux qui n’auraient pas eu l’occasion de le lire, voici mon second texte écrit pour l’atelier d’écriture d’Hiver de François Bon, dont le thème était :

du lieu en mouvement sans verbe conjugués

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LAVOIR

Photo Mch grimard

Le soir tombant, sur les pierres dorées le soleil qui glisse en cascade de paillettes. On entend un chien hurler dans le lointain, l’oiseau sur le toit se balance en piaillant. Une nuée d’étourneaux passe, gorgée de raisins mûrs, parsemant les nuages de fientes violacées qui tachent les murs des granges sur leur passage.

Suivre le chemin caillouteux en prenant soin de marcher uniquement sur les pierres blanches, les noires étant des pièges semés par les lutins maléfiques qui saisiraient mes chevilles au passage pour m’entraîner vers l’enfer sombre et inconnu.

Passer sous le porche centenaire où la clé de voûte semble taillée à coups de serpe. Admirer le travail de taille quelques secondes, les éclats de pierre prenant des teintes mordorées dans le couchant. Se demander ce qu’est devenu l’artiste qui a taillé ces pierres et ce qu’était sa vie quand il avait mon âge.

Entrer dans la cour de la ferme en surveillant du coin de l’œil le molosse au caractère de cochon qui surveille les allées et venues. Regretter de ne pas avoir un os à lui lancer pour qu’il cesse de lorgner mes mollets rebondis en les prenant pour des rôtis. Trembler un peu en passant devant lui, faire semblant de ne pas le remarquer et lever les yeux vers le ciel, l’air de rien.

Saluer la fermière au sourire si généreux, et l’embrasser pour sentir son parfum de mûres et de miel. Lui tendre mon récipient de fer blanc pour qu’elle le remplisse de ce lait crémeux et encore chaud que la Noiraude lui a donné ce soir. Se demander s’il aura le goût des fleurs de trèfles qui teintaient de violet le pré de l’est aujourd’hui.

La remercier et reprendre le chemin de la maison en évitant les abords du puits, on ne sait jamais ce qui pourrait surgir de la margelle, après la nuit tombée…

Photo du jour : apprends 

« Tu as tout à apprendre, tout ce qui ne s’apprend pas : la solitude, l’indifférence, la patience, le silence. « Georges Perec

Photo mcgrimard


Il te reste tant à apprendre 

La couleur des mots 

Le parfum des sons 

Le goût de la vérité 

La musique des caresses 

La douceur des partages 

La chaleur des regards 

L’âpreté des regrets 

L’amertume des remords 

La blancheur des matins 

La saveur de l’amour 

La brièveté de la vie 

La fuite du temps 

La surprise de l’ultime seconde 

La couleur du lendemain 

La beauté du premier battement de coeur 

Il me reste tant à apprendre 

Journal : Des(espoir)

Coup de fil :

  • Bonsoir, madame, ici le médecin de la maison où réside votre père…
  • Bonsoir…
  • Je voulais vous prévenir qu’il ne va pas bien du tout, il est très encombré et on ne peut plus l’alimenter depuis deux jours. On est assez inquiets, je voulais que vous le sachiez. On va le mettre en perfusion pour le réhydrater et sous antibiotiques.
  • Merci de m’avertir. Je vais venir le voir dès que possible. J’aimerais que vous le soulagiez mais sans hospitalisation ni acharnement…
  • Très bien, je le note. Mais son état est très préoccupant. Je voulais que vous le sachiez.
  • Merci beaucoup de m’avoir appelée et pour vos soins…

Raccrocher, et s’accrocher aux souvenirs pour oublier le présent et effacer l’échéance annoncée.

Ne plus penser, ne plus craindre, espérer que la délivrance soit proche, et que ce corps fatigué délivre son âme de son incapacité à vivre. 

Espérer que le désespoir qui emprisonne cette âme, se dissipe au petit matin, qu’elle prenne son envol, enfin.

Demander à celle qui l’a précédé de l’autre côté du miroir, de lui prendre la main pour le rassurer sur le chemin.

Être exaucé à peine le temps d’un souffle plus tard, et le regarder s’envoler vers sa liberté…

Photo M christine Grimard