Ateliers d’écriture d’été 2017 de @fbon : cycle « personnages ».

Voici mon texte écrit pour le quatrième volet proposé par François Bon pour ces ateliers d’écriture de l’été 2017, portant sur le thème des personnages, avec retard puisque le cinquième est déjà en cours, er que je n’y ai pas encore réfléchi…

Il s’agissait de décrire un personnage à un tiers selon de texte de Nathalie Sarraute : « Ah vous ne connaissez pas Bréhier ? » Vous trouverez sous ce lien cette proposition.

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Photo Mch Grimard


Tu m’écoutes ? Il faut que j’en parle, tu comprends ? Je n’arrive pas à oublier son regard. Voilà une semaine qu’il est arrivé et pourtant j’ai l’impression de l’avoir toujours connu. Il faut que tu me dises ce que tu penses de lui ! J’ai besoin de savoir si je me trompe. Je ne sais plus quoi en penser. Peut-être parce qu’il a l’allure de n’importe qui, ou peut-être parce qu’il a un regard aussi extraordinaire que son visage est ordinaire. Parfois, ses yeux sont perdus dans le vide, et soudain il tourne la tête et vous fixe d’une telle manière que l’on se sent entièrement percée à jour. Je ne sais rien de ses pensées mais son regard m’obsède. Plusieurs fois, j’ai tenté de comprendre ce qu’il y avait derrière ses prunelles sombres, mais n’y suis jamais parvenue. Son silence est obsédant, il n’a jamais répondu à aucune de mes questions. Il se contente de hocher la tête pour acquiescer ou refuser. Il sort tous les matins à la même heure, et revient une demi-heure plus tard, les cheveux emmêlés et le regard brûlant. Il commande un café noir sans sucre et un muffin, puis remonte dans sa chambre et disparaît jusqu’au crépuscule. Une fois j’ai tenté de le suivre. J’ai attendu de le voir disparaître au coin du bois puis je me suis précipitée à sa suite. J’ai grimpé sur la colline pour l’observer de haut sans crainte d’être vue. Je l’ai vu traverser les futaies jusqu’à la clairière de la table de pierre, il s’est assis au pied du grand chêne, les bras levés vers le ciel, en silence. On aurait dit qu’il invoquait un de ces dieux celtes dont me parlait ma grand-mère. D’un seul coup, il a tourné la tête de mon côté. Je savais que j’étais trop loin pour qu’il me voie mais par réflexe, je me suis aplatie derrière les fougères, le nez dans la mousse. J’ai attendu quelques secondes puis j’ai relevé la tête prudemment, il avait disparu. J’ai eu si peur que je suis revenue en courant à l’auberge, je savais qu’il ne pouvais me rattraper puisque le bois était à dix milles de l’auberge par le chemin du bas, mais je courais comme si j’avais le diable à mes trousses. Impossible de me calmer. Arrivée à l’auberge, soulagée de ne plus être seule lorsque j’ai poussé la porte, il était là tranquillement installé à la table près du comptoir. J’ai senti mon cœur sauter de ma poitrine lorsqu’il m’a dévisagée, le regard moqueur et à dit :

– Belle lumière ce matin sur la lande ! Je prendrais bien un café sans sucre et un muffin aux myrtilles.

Devant mon silence, il ricana et ajouta :

– Vous devriez en prendre un aussi, vous êtes pâle comme la mort !

Un été en bandoulière (35)

« Préparer l’avenir ce n’est que fonder le présent.

Il n’est jamais que du présent à mettre en ordre.

À quoi bon discuter cet héritage.

L’avenir tu n’as point à le prévoir mais à le permettre. »

Citadelle

Antoine de Saint-Exupéry

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Photo m Christine Grimard

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Bientôt l’été s’achèvera.

Je rangerai ces trente-cinq cartes non postales à côté du gros coquillage où l’on entend la mer.

Il ne leur manquera que le parfum iodé des algues.

Les goélands retrouveront le calme de l’estran déserté.

J’espère que ces quelques pages vous auront plu et vous auront fait rêver un peu d’océan.

Je ne vais pas vous ennuyer plus longtemps à photographier tout ce qui passe au-dessus de ma tête sur cette plage.

Il faut savoir refermer la porte en sortant.

Les vacances et l’été s’achèveront dans une gerbe d’écume.

L’avenir s’écrira dans le sable qu’une seule vague effacera.

Je remercie tous ceux qui suivent ce blog amicalement et qui ont apprécié mes tentatives maladroites pour occulter les ombres du chemin, entre canicule et aquilon.

Ainsi s’achève cette série de cartes non postales d’un été porté en bandoulière entre ciel et mer.

Que le vent marin vous porte vers le meilleur.

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Un été en bandoulière (34)

“Sous les vagues, la mer est dressée, on dirait qu’elle est au ciel, Qu’elle touche et arrose les nuages qui couvrent tout. ”

Ovide

Les Métamorphoses.  Livre XI 

Photo m. Christine grimard

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Je suis retournée ce matin à l’endroit précis où j’ai pris cette photo en 2012, depuis la plage à été transformée par les tempêtes, les grandes marées, l’érosion, le vent et le temps qui s’allient pour sculpter l’estran selon leurs désirs. 

D’autres voiles se déploient à l’horizon, d’autres marins suivent d’autres caps, d’autres goélands chevauchent la crête des nuages.

L’océan, indifférent au tumulte de la vie des hommes, poursuit son va et vient. 

Les vagues tirent sur le vert, la marée  aplanît les bancs de sables comme il y a cinq ans mais la configuration de la plage est bien diffferente de celle de ce jour-là.

Cette image de 2012, aussi belle soit-elle, ne reviendra jamais. Cette femme qui parcourt l’estran, est bien différente de celle qui prit cette photographie. Bien des vagues ont balayé ce sable, bien des pas ont traversé cette plage. Bien des évènements se sont produits dans ma vie et dans ce monde depuis ce jour-là…

Que sont devenus tous ces gens ? 

Que suis-je devenue ?

Et vous , qu’avez-vous vécu durant ces cinq années ?

Un été en bandoulière (33)

« On ne revient jamais d’aucun voyage, car celui qui revient n’est plus le même. Ce dépaysement que nous allons chercher sur d’autres territoires, d’autres lumières, d’autres parfums, est un subtil et nécessaire exil intérieur. »

Se trouver – La psychanalyse nous aide-t-elle à moins souffrir ? Anne Dufourmantelle

Photo marie-christine grimard


.  Qu’es-tu venue chercher sur cette plage ?

Un peu d’air du large 

Un parfum d’iode et d’embruns 

Un soupçon de sérénité

Un instant de tranquillité 

Une belle portion de lumière 

Un grand bol d’écume de mer 

Un zeste d’évasion 

Un pur moment de Plaisir 

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. Et qu’as-tu trouvé sur cette plage ?

Tout cela 

Plus 

Moi 

Un été en bandoulière (32)

« Je réclame le droit de rêver au tournant

De la route aux grands charmes de la promenade

Le droit de m’émouvoir du monde maintenant 

Que s’approche la canonnade. »
Les Yeux et la Mémoire, 

Louis Aragon, éd. Gallimard, 1954, IV 

(« Je plaide pour les rues et les bois d’aujourd’hui »), p. 36 

Photo m. Christine Grimard


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Je réclame le droit d’oublier 

Le mauvais, la terreur 

La violence et la mort

Le vain et le mauvais sort 

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Je réclame le droit de rouler 

Sans but et sans enjeu 

Au fond des vallées bleues

Le long des chemins creux 

~^~

Je réclame le droit d’exister 

Seulement pour le Plaisir

De suivre mes désirs 

Sans jamais m’assagir 

~^~

Je réclame le droit de flâner 

De vouloir et d’aimer 

De rire et de chanter 

De vivre et de rêver 

Un été en bandoulière (31)

“En automne, je récoltai toutes mes peines et les enterrai dans mon jardin. Lorsque avril refleurit et que la terre et le printemps célébrèrent leurs noces, mon jardin fut jonché de fleurs splendides et exceptionnelles.”

Khalil Gibran Le Sable et l’écume 

Photo m.ch. grimard


Dans le silence d’une belle après-midi d’été 

S’asseoir pour écouter les abeilles butiner

Admirer leur courage dans la touffeur de l’été 

En préservant farouchement mon immobilité 

Décider de cultiver  mon inutilité 

Endormie à l’ombre du mirabellier 

Jusqu’à ce que septembre ne m’oblige à me lever 

Et oublier de boire mon café 

Un été en bandoulière (30)

« Ma France à moi c’est celle de Picasso, de Cézanne et celle de Soulages, celle d’Ingres, celle de Rodin, la France des calembours, des Bidochons, celle de la paillardise aussi bien que celle du chant des partisans. 

Ma France c’est celle de Daumier, celle de l’ Assiette au beurre, du Sapeur Camembert, celle de Chaval, celle de Cabu, de Gottlieb, de Siné, celle du Canard, de Fluide Glacial et de Charlie, drôles, insolents, libres ! 

Ma France, c’est aussi celle des dictées de Pivot celle de Klarsfeld et celle de Léopold Sedar Senghor, la France des Enfants du Paradis et des Enfants du Veld ’hiv, celle de la mode libre, celle de la danse, des flirts et des câlins, celle de la musique douce et des rock déjantés, celle de la gourmandise, ma France à moi c’est une France capable de renvoyer dos à dos la Bible et le Coran s’il lui prend l’envie d’être athée. »

Ma France à moi.

Pierre Perret

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Photo m. Christine grimard

Rue Manuel (ancienne Rue du paradis)

Les sables d’olonne (Vendée)

Rue Manuel 

On s’interpelle

Rue Manuel 

On est plus près du ciel 

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Rue du paradis 

On rit

Rue du paradis 

On Vit

Souvent, en flânant dans ces ruelles où des jolies maisons se serrent les unes contre les autres, je me demande quelles joies, quelles peines, quelles  passions, quelles attentes se cachent derrière les fenêtres aux rideaux brodés de mouettes.

On est forcément heureux en vivant dans une maison aussi jolie. Derrière une façade aux couleurs tendres, où les roses trémières ont élu domicile, le malheur ne peut pénétrer. Dehors, on n’entend que des rires d’enfants et le murmure lointain des vagues sur la jetée.

Les nouvelles terrifiantes de la folie du monde sont si loin, si incroyables, si impensables.

Le monde sanglant, barbare, inhumain ne peut exister ici. Peut-être sommes-nous dans un monde parallèle…

Rue du paradis 

Tout est permis

Rue du paradis 

On rit de la vie 

Un été en bandoulière (29)

 » J’ai rendez vous chaque matin avec la beauté du monde. »

Christian Bobin

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Photo m ch grimard

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Avancer tout droit vers l’ouest

Traverser la pinède

Suivre le sentier tapissé d’aiguilles de pin

Lever les yeux vers le ciel

Admirer la valse de leurs cimes dans le vent marin

Grimper la dernière dune couverte de genêts

Déboucher d’un seul coup sur la lumière

Être éblouie par cette beauté offerte

En perdre ses mots

S’asseoir sur un rocher

Se dire que l’on pourrait rester là

Jusqu’à la fin des Temps

Dans le silence de la mer

Un été en bandoulière (28)

« Comme il est profond, ce mystère de l’Invisible ! Nous ne le pouvons sonder avec nos sens misérables, avec nos yeux qui ne savent apercevoir ni le trop petit, ni le trop grand, ni le trop près, ni le trop loin, ni les habitants d’une étoile, ni les habitants d’une goutte d’eau. .. avec nos oreilles qui nous trompent, car elles nous transmettent les vibrations de l’air en notes sonores. Elles sont des fées qui font ce miracle de changer en bruit ce mouvement et par cette métamorphose donnent naissance à la musique, qui rend chantante l’agitation muette de la nature. .. avec notre odorat, plus faible que celui du chien. .. avec notre goût, qui peut à peine discerner l’âge d’un vin !

Ah ! si nous avions d’autres organes qui accompliraient en notre faveur d’autres miracles, que de choses nous pourrions découvrir encore autour de nous !. »

Guy de Maupassant – Le Horla

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Photo mcgrimard

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Goutte à goutte

La vie s’écoule et s’échappe

Cellule après cellule

La vie se reforme et se transmet

Coûte que coûte

Le Temps nous détruit et nous écorche

Grain par grain

Le sablier se vide et jamais ne se retourne

Seconde par seconde

L’horloge égraine ses heures

Atome après atome

Le soleil brûle ses réserves d’énergie

Centimètre par centimètre

Les glaciers fondent et disparaissent

Goutte à goutte

La vie survivra tant qui lui en restera

L’envie

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