« Tiers Livre de F. Bon et Scriptopolis sont à l’initiative d’un projet de vases communicants : le premier vendredi du mois, chacun écrit sur le blog d’un autre, à charge à chacun de préparer les mariages, les échanges, les invitations. Circulation horizontale pour produire des liens autrement…
Ne pas écrire pour, mais écrire chez l’autre. »
Sur le blog : Le rendez-vous des vases communicants, tenu désormais par Marie-Noëlle Bertrand vous retrouverez la liste des échanges de ce mois.
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Je remercie pour sa présence une nouvelle fois sur cette page Dominique Hasselmann, qui anime le blog « Métronomiques », où vous pourrez découvrir ce qu’il partage.
J’ai pris un grand plaisir à réaliser ce nouvel échange avec lui et je le remercie chaleureusement de m’avoir proposé cet échange à partir de l’idée de « grandir » illustrée par des photographies de nos enfances.
Si vous souhaitez lire mon texte, rendez-vous sur son blog, où il me fait le grand plaisir de me recevoir.
Je vous laisse juger du résultat, et vous souhaite une navigation agréable entre les lignes et les textes de ce mois-ci.
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On aurait pu croire que tu venais de sauter par la fenêtre ouverte et centrale de la grande maison, ton chapeau t’ayant servi de parachute. Tu avais atterri sans encombre et tu te portais comme un charme. L’air était clément, le soleil marquait sa présence paradoxale par les ombres diverses dont il parsemait la scène.
Tu avais l’air contente puisque la vie était un horizon maritime – ta coiffe ressemblait à un petit navire – et tu ne voyais aucun obstacle se profiler devant le cours paisible des jours. C’était sans doute pendant les vacances scolaires, la parenthèse exquise que tous les gouvernements veulent sans cesse réduire, alors que la vie devrait être vacance perpétuelle.
Grandir n’était pas ta préoccupation : à quoi bon ressembler à ces géants affairés, à ces robots stressés, à ces pantins dénués de tous sentiments ? Ils pouvaient regarder les choses de haut, mais jamais ils n’observaient une coccinelle ou une libellule voler sans bruit, faisant la nique aux hélicoptères amenant les gros PDG jusque sur le toit du casino de la plage.
L’enfance n’était pas seulement une question de taille mais d’émerveillement : on voudrait te la retirer plus tard, comme si elle n’avait jamais existé, l’enlever de ta mémoire pour la jeter aux oubliettes. Tu aimais la simplicité du matin, du midi, du soir, de la nuit et leur recommencement au goût d’éternité.
Tu étais habillée simplement, tes socquettes empêchaient le sable de venir te chatouiller, tu attendais sans doute un compagnon de jeu (ils n’étaient pas interdits). Au loin, l’océan couleur prune scintillait, un voilier tout blanc se hâtait lentement vers une destination inconnue.
Souvent tu entendais cette phrase : « Tu verras, quand tu seras grande… » qui sonnait comme une mise en garde ou l’annonce de la fin du « vert paradis » dans lequel tu avais la chance d’évoluer sans en être réellement consciente. Mais c’était déjà comme un reproche, du style : « Tout cela ne durera pas, il faudra ouvrir les yeux sur la réalité ! »
Pourtant, elle était bien là, l’existence : le plaisir du petit déjeuner, des châteaux de sable, du bain avec l’affrontement des premières vagues qui te paraissaient gigantesques, le retour à la table du déjeuner avec tes parents, la sieste puis l’océan de nouveau, le tube orange de crème solaire Nivea, la serviette de bain et ce petit livre illustré (« Martine à la plage » ?), le vent qui caresse, les bras comme oreiller pour la tête.
Le soir, tu te retrouvais seule dans ta chambre avec cette petite lampe, tu avais déposé ton chapeau sur le coin de la chaise près de ton lit, tu reprenais un autre livre et puis tu t’endormais. Tu rêvais qu’un jour tu deviendrais obligatoirement une adulte, comme tout le monde, et que le téléphone sonnerait alors dans ton bureau ou ton cabinet de travail.
Mais tu avais gardé précieusement, sur un petit papier quadrillé, le numéro téléphonique de la grande maison de Vendée où tu pourrais t’appeler toi-même des années plus tard, abolissant ainsi les frontières du temps.
texte : Dominique Hasselmann
photo : Marcel Mailland
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