
Un trait de lumière
Traverse les jours de peine
Éclairant ma nuit
Un trait de lumière
Traverse les jours de peine
Éclairant ma nuit
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L’automne survient
Soulignant de blond les feuilles
Teintées de rousseur
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Parfois les rêves se réalisent, parfois ils restent inaccessibles.
Paul ne le sait que trop bien. Malgré les efforts consentis pour se départir de son accent, il lui revient toujours comme un boomerang lorsqu’il se laisse déborder par ses émotions. Son rêve d’intégrer le théâtre français est resté au point mort à cause de son accent albigeois, il ne compte plus les auditions où on lui a ri au nez à la fin de ses tirades…
Ce soir, c’est son dernier espoir de jouer Tartuffe. Le jury est composé de cinq hommes et une femme entourant le metteur en scène tchèque qui monte le Tartuffe pour le prochain festival de Rocamadour.
Il se lance :
« Ah,! pour être Dévot, je n’en suis pas moins homme
Et lorsqu’on vient à voir vos célestes appas,
Un cœur se laisse prendre, et ne raisonne pas.
Je sais qu’un tel discours de moi paraît étrange
Mais, Madame, après tout, je ne suis pas un ange… »
Il a dérapé sur « étrange » et sur « ange », rattrapé par son émotion et son accent. Une fois encore !
Le metteur en scène lève le bras, les doigts écartés en signe de réprobation. Il a déjà vu tant de mains se lever ainsi pour interrompre ses tirades.
Il craque, s’avance au bord de la scène et déclame :
« Accent circonflexe heureux d’être complexe
Accent grave aux airs de dilettante à la rondeur lascive et concave
Accent aigu flottant sur son e comme un pot suspendu
Accent québécois traînant ses syllabes dans le sirop d’érable
Accent tonique écrasant la rhétorique à s’en écorcher les oreilles
Accent du midi chantant et caressant les mots de sa nonchalance
Accent chti mystérieusement nébuleux comme le brouillard du Nord
Accent lyonnais de Guignol et de Gnafron, à l’intonation éternellement étonnée
Accent marseillais épicé aux saveurs de Méditerranée
Accent toulousain roulant son torrent rouge brique
Accent méridional au parfum de cigales
Accent albigeois qui alourdit ma voix
Accent de n’importe-où, accents d’ailleurs et de partout
Avoir l’accent de son pays c’est transporter avec soi le souvenir de la terre qui vous a enfanté, c’est laisser l’émotion sortir de sa coquille, c’est reprendre sa liberté, c’est réveiller l’enfant qui dormait derrière la cascade. »
Le metteur en scène a baissé le bras, le jury est toute ouïe, figé dans un silence absolu. On n’entend que le grincement des planches sous ses pieds.
Paul lève les yeux vers les cintres, met les mains en portevoix et crie aux limbes:
« L’accent, c’est pas dans la gorge des uns, c’est dans l’oreille des autres ! » a dit Plume Latraverse
Silence dans la salle. Les yeux des membres du jury sont fixés sur lui. Pas un cil ne bouge.
Paul finit sa tirade, d’une voix pâle, monocorde, sans aucun accent.
« Peu m’importe que vous refusiez ma différence, peu m’importe que vous n’entendiez pas la
Garonne qui roule sur ma langue, peu m’importe que vous préfériez le mensonge d’une voix
formatée à la vérité de mon accent. »
Silence.
Le metteur en scène se lève. Paul, du coin de l’œil, le voit faire le tour de la table.
Il tombe à genoux et reprend son accent pour hurler :
« Même si vous ne m’entendez pas, je crierai mes mots sur les toits, j’irai les cracher sur vos tombes.
Malgré vous, je donnerai à ma vie des accents de joie ! »
Silence.
Un ange passe sous ses paupières closes.
On entendrait un accent circonflexe tomber de la cime dans l’abîme.
Paul se relève, les paupières baissées il attend le verdict négatif tant de fois entendu.
Deux mains saisissent les siennes, le metteur en scène lui tape sur l’épaule, tout sourire, et dit :
« J’aime l’originalité de votre approche !
Parfait, les répétitions commencent demain à 7 heure, je compte sur vous pour apporter un peu de sang frais à ce vieux Tartuffe ! ».
Photo Marie-Christine Grimard
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Ouvrir une nouvelle porte
Découvrir un autre jardin
Suivre un chemin inconnu
Le dessiner tout en le parcourant
Ne pas craindre les ornières
Avancer sous un ciel serein
Mais ne pas refermer la porte
Pour ne rien oublier de la route parcourue
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Photo Marie-Christine Grimard
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Perdus dans le ciel immense
Deux oiseaux nagent
Au milieu des nuages
Regarde comme ils dansent
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Cachés dans le ciel immense
Deux nuages dansent
Au milieu des nuées
Regarde comme ils valsent
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Légères dans le ciel immense
Deux âmes valsent
Au milieu des pensées
Regarde comme elles rient
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Couchés sous le ciel immense
Deux enfants chantent
Au milieu des possibles
Regarde comme ils rêvent
…
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La vie coule douce
Au matin l’aigrette danse
Au bord des marais