Une image…une histoire : la vie est dans les détails

« Les esprits analytiques ne voient pratiquement que les défauts : plus la lentille est forte, plus imparfait nous apparaît l’objet observé. Le détail est toujours fâcheux. »

Fernando Pessoa

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Photo Marie-Christine grimard

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Parfois certains jours sont sans intérêt.

En avançant le long de la voie ferrée dans la grisaille du petit matin, elle se demande ce qu’elle fait là. Elle sait d’avance que ce ne sera pas le meilleur moment de la journée.

Elle ajuste son écharpe et remonte le col de son manteau, histoire de bloquer ce courant d’air glacé qui s’engouffre le long de son dos.

Un vélo la double dans le brouillard, elle l’entend s’éloigner dans un grincement de chaîne rouillée. Elle préfère encore être à pied, avec ce verglas, c’est un jour à déraper devant le capot d’une voiture.

Il ne manquerait plus que cela.

Enfin, un petit séjour à l’hôpital avec un pied dans le plâtre, lui permettrait de se reposer un peu. Elle hausse les épaules, honteuse d’avoir des idées pareilles. Elle arrive au bout de l’avenue et traverse sans regarder. À cette heure ci, les voitures sont rares.

Une main attrape son manteau par le col et la tire en arrière au moment où passe une voiture électrique qu’elle n’a pas entendu arriver. Elle tombe en arrière, et se retrouve assise au bord du trottoir. La voiture disparaît au carrefour, le chauffeur semble n’avoir rien vu.

Elle se retourne pour remercier celui qui l’a retenue en lui évitant un choc fatal.

Il n’y a personne. La rue est vide et silencieuse.

Elle se retourne, se demandant si elle n’a pas rêvé.

Derrière elle, le soleil se lève, faisant briller la clôture qui longe la gare. Elle s’approche des buissons qui lui cachent la voie ferrée. Les arbustes sont décharnés par l’hiver. Seuls quelques fils d’argent ondulent dans la brise, étincelants à jour frisant dans la lumière pâle du petit matin. On dirait des guirlandes de Noël. En les regardant, elle se retrouve trente ans auparavant, demandant à sa mère pourquoi il y avait des pompons dorés dans les buissons autour de leur maison.

« Ce sont les fées qui tissent des fleurs d’hiver pour remplacer celles que l’été a emporté avec lui. Lui dit sa mère. Ainsi les oiseaux trouvent encore de quoi manger quand il fait froid. Du moins, c’est ce que me racontait ma grand-mère.

En fait, moi je pense que ce sont les cheveux que les anges-gardiens ont perdu en s’envolant le matin après avoir veillé sur nous toute la nuit. Une fois, j’en ai vu un en me réveillant, le jour où la tempête avait fait tomber le grand cèdre à quelques centimètre de la maison. Je m’en souviendrai toute la vie tant il était beau ! »

Elle se souvient du regard émerveillé de sa mère lui racontant cette histoire.

Comment à-t -elle pu oublier ça ?

Elle s’approche de la clôture pour poser la main sur un des fils d’argent. Il tombe en poussière sous la chaleur de ses doigts. Un rire cristallin raisonne au-dessus de sa tête sorti de nulle part. Elle recule, un peu effrayée.

Sur la voie ferrée en contre-bas, arrive le TER de 7h 30. Si elle ne se dépêche pas, elle va rater son train. Elle descend les marches menant aux quais en courant, et monte dans le wagon juste au moment où les portes se ferment.

Il n’aurait plus manqué qu’elle rate son train après avoir failli se faire écraser. Quelle journée !

Au moment où le train démarre, elle lève les yeux vers la rue où elle se trouvait quelques minutes auparavant. Le vent fait onduler les cheveux d’anges du buisson, en douceur, comme si une main les effleurait. Un sentiment d’harmonie et de sérénité l’envahit.

Elle reste pétrifiée. Derrière l’ombre du buisson, le soleil dessine une silhouette lumineuse qui semble agiter le bras en guise d’au-revoir…

Calendrier de l’avent : jour 6

« La pluie cesse, et il en reste, un instant, une poussière de diamants minuscules, comme si, de là-haut, on secouait des miettes d’une grande nappe azurée. »

Le livre de l’intranquillite

Fernando Pessoa

Photo Marie-Christine Grimard

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Sortir

Serrer les dents

Affronter l’humidité

Du petit matin sombre

Regretter la chaleur de son lit

Faire fondre le givre colle au pare-brise

Démarrer doucement malgré le brouillard

En prenant le temps d’admirer les gouttes qui dansent

Sur la vitre que le vent glacé balaye

Ne pas déclencher l’essuie-glace

Pour conserver cette beauté

Qui réchauffe

L’âme

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Calendrier de l’avent : chaque jour de décembre, un cadeau derrière la porte. Un geste d’amitié pour celle ou celui qui vient sur cette page, et me donne la joie de lui offrir mes mots.

À demain

Chris

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Un été bleu horizon (15)

« Si je ne la vois pas, je l’imagine et je suis fort comme les arbres hauts. Mais si je la vois je tremble, et je ne sais de quoi se compose ce que j’éprouve en son absence.

Je suis tout entier une force qui m’abandonne.

Toute la réalité me regarde ainsi qu’un tournesol dont le cœur serait son visage. »

Fernando Pessoa

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Photo Marie-Christine Grimard

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Dans la plaine écrasée de soleil

Les tournesols baissent la tête

La sécheresse a eu raison de leurs belles couleurs

Ils ont « mûri » trop vite

Ont dirait qu’ils sont morts

Au champ d’honneur de l’été

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Photo Marie-Christine Grimard

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Un seul d’entre eux survit

Fier, et droit devant la solitude

Il résiste au vent et au soleil implacables

Offrant son plus beau sourire au jour qui vient

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Seul…

Vraiment seul ?

Peut-être pas

Derrière lui, un ami sourit

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Parfois il suffit de se retourner pour que le ciel s’éclaircisse…

Photo Marie-Christine Grimard

Un été bleu horizon (14)

« La pluie cesse, et il en reste, un instant, une poussière de diamants minuscules, comme si, de là-haut, on secouait des miettes d’une grande nappe azurée. »

Le livre de l’intranquillite –

Fernando Pessoa

Photo Marie-Christine Grimard

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Jour de crachin

Léger crachin d’été

Qui entoure les arbres d’un halo salé

Laissant sur le visage un voile insistant

L’air colle à la peau

Sur la langue, un goût d’algues et de sel

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Photo Marie-Christine Grimard

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Luminosité d’orage

Les couleurs se métamorphosent

Ravivées et assombries à la fois

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Photo Marie-Christine Grimard

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Le jardin revient à la vie.

Photo Marie-Christine Grimard

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Sur la dune, les graminées tremblent et se serrent les unes contre les autres

Survolées de goélands chevauchant le vent

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Phrases 48 : Mots envolés

“La beauté est le nom de quelque chose qui n’existe pas et que je donne aux choses en échange du plaisir qu’elles me donnent.”
Fernando Pessoa

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Photo M. Christine Grimard

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  • Peu importe qui je suis, peu importe où j’irai, ce que sera demain et le temps qui me reste;  aujourd’hui le ciel est grand, le vent est doux, l’océan est chaud; aujourd’hui sous les nuages ou dans le vent, la vie est un cadeau et je l’aime !
  • Si tu as faim de vivre mon enfant, la beauté te nourrira, remplira tes yeux de lumière, te fera oublier les jours sombres, t’apprendra le chemin des rêves, dessinera ton avenir, t’emportera loin de la souffrance et guidera ton cœur vers l’espérance.
  • Laisse s’envoler la crainte de souffrir, profite de l’été pendant qu’il habille les collines; il sera bien assez long le temps des jours gris où le souvenir du bon temps  sera le seul moyen de te réchauffer le cœur.

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Note : rappel de la consigne 

Laisser les mots venir se poser sur l’écran en liberté.

Lever les yeux sur la vie, laisser les images prendre forme et simplement les décrire, comme on en ferait le portrait en quelques lignes de fusain.

Trois phrases toutes simples.

Trois images suggérées que l’on voit danser sous ses paupières lorsqu’on a fini de lire la phrase.

Trois raisons d’en rêver lorsque la page est tournée.