Photo du jour : transhumance vendéenne 

La transhumance d’été est un bienfait pour quelques jours, quelques heures ou plus, peu importe le temps passé ou les kilomètres parcourus, peu importe le but qu’il soit proche ou lointain. 

Ce qui compte c’est le changement de décor, le dépaysement. 

En terme de dépaysement, je fréquente toujours le même petit coin de terre, entre ciel et océan. Un bout de carte au bout de la terre, là où elle se perd dans la mer, là où le vent se cache lorsqu’il a envie d’avoir un moment à lui, là où les oiseaux marins rient entre eux de mes errances, là où le sel détruit toutes les barrières et tous les cadenas… 

Là où le temps a tout son temps.

Bienvenue à la maison…

photo M. Christine Grimard

Photo du jour : Simple survie

“La poésie c’est la raison en vacances, une possibilité de survivre dans ce monde voué au matérialisme »

Laurent Terzieff

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Photo M. Christine Grimard

*

Vacances !

Soleil, vent et océan.

Temps libre pour lire, écrire, peindre, aimer, rêver, choisir.

Temps libre pour se gorger de poésie, de musique et d’art ?

Pourquoi se passer de ce que ce monde recèle de beautés ?

Comment survivre à tout ce qui mine ce monde, s’il l’on en perd l’essentiel ?

Les obscurantistes brûlent les livres, ferment les écoles, essayent de faire disparaître les mots.

Que restera-t-il au fond de leur esprit vide ?

 La bruit d’un grain de sable sous le vent du désert !

Le rire d’une mouette.

Un mauvais souvenir.

Vacances, temps des plaisirs au soleil, des mots gorgés amour et de rires.

Temps des confitures de souvenirs qui réchaufferont les hivers à venir.

*

Photo M. Christine Grimard

Une image…une histoire : Cabines de bain

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« Regarde maman, regarde !
Elles sont encore là !
Mais elles ont changé de couleurs, cette année. Elles sont bleues et jaunes ! »
Petit Louis saute sur ses pieds, il ne peut plus rester en place. Le voyage a été si long. Cinq minutes après la sortie de Paris, il demandait déjà si on voyait la mer !
Il a fallu cinq longues heures pour apercevoir enfin les dunes, puis la mer, qui se dévoile seulement à ceux qui savent la désirer. Il a fallu grimper jusqu’au sommet de la dune pour voir l’horizon flamboyer, et entendre enfin les rouleaux s’écraser sur le sable.
Mais les cabines, elles, petit Louis les avait devinées dès qu’il était descendu de la voiture. Elles bordaient le mur de la plage, sagement alignées depuis plusieurs décennies. Elles avaient accueilli les mêmes familles sur cinq générations.
Grand-mère racontait qu’elles étaient peintes en rose et bleue, et maman se souvenait que l’année de ses dix ans, on les avait repeintes en vert et orange. C’était la mode psychédélique ! Mais quelques années plus tard, une pétition avait circulé dans la ville pour obliger le maire à leur rendre des couleurs plus classiques. Elles avaient alors sagement revêtu des couleurs de marinière bretonne, à rayures bleues outremer et blanches.
Petit Louis était très fier: voilà que pour ses dix ans à lui, on les avait repeintes ! Elles étaient encore plus belles: jaunes comme le soleil, blanches comme les mouettes et bleues comme l’océan.
Il courut vers celle de sa famille, la cinquième en partant de la gauche. Il ouvrit la porte qui protesta en grinçant.
– Doucement, mon Louis, dit maman. Ménage-la un peu, cette vieille porte. Elle a bientôt cent ans. Un peu de respect !
Mais Louis ne l’entendit pas. Il avait retrouvé son cerf-volant au fond de la cabane, et s’élançait déjà vers la dune pour l’essayer dans le vent du matin.
Maman le regarda avec tendresse, il était si pâle. La plage allait lui redonner des couleurs.
Elle entra à son tour dans la cabine, et fut assaillie par l’odeur marine qui s’en dégageait, mélange de fragrance de varech et de bois flotté. Cette odeur lui était si familière qu’elle se sentit immédiatement chez elle. Il suffisait de se retourner pour voir arriver ses cousins, leur bouée à la main, qui remontaient en tremblant de froid, depuis l’estran lointain aux grandes marées d’équinoxe…
Elle ferma les yeux, et retint les larmes qui s’en échappaient. Les fantômes de son enfance couraient maintenant dans d’autres cieux. Sa mère et sa tante avaient installé leurs transats sur d’autres plages.

Peu importe, ces vacances étaient celles de l’enfance de son fils. Elle allait l’aider à se fabriquer des souvenirs heureux dans lesquels il pourrait puiser sa force vitale durant toute sa vie.
Elle peignit un sourire lumineux d’été sur ses lèvres et s’élança à la suite de son fils, en direction de la dune :
– Louis, attends-moi ! Je sais où le vent porte le mieux. J’arrive ..

Une image… Une histoire: Sur la route…

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Ils sont partis.
Ils ont entassé une multitude de choses dans la voiture, à la place où ils me faisaient monter d’habitude.
Ils m’ont fait asseoir derrière le conducteur. C’était la première fois.
J’étais fier d’être là.
Alors j’ai redressé la tête. Je me tenais bien droit. Je voyais défiler le paysage de plus en plus vite.
J’étais fier.

En fait, Je n’ai jamais aimé cela, et ça me donnait la nausée cette voiture qui avance au hasard. Alors, une fois de plus, je ne pus m’empêcher de trembler, ce qui énerva le maître.
Il a crié sur elle :
« Dis à ton chien de se calmer, on ne va pas faire 800 km avec cette chaudière à pattes qui tremble et qui bave ! »
Et la dispute a commencé, encore une fois.

C’était à cause de moi, alors je me suis couché sur la banquette, le museau entre les pattes, les oreilles sur les yeux, pour ne plus rien voir, pour ne plus rien entendre.

Un peu plus loin, ils se sont arrêtés pour prendre un peu l’air. C’est ce qu’il a dit, je crois.
Il m’a poussé dehors, rudement.
Je savais que je l’avais énervé, alors j’ai sauté de la voiture pour qu’il soit content de moi.
Elle n’est pas descendue. Elle me regardait puis elle a baissé la tête. Ses yeux étaient tristes.
Il a dit: « Allez le chien, on va faire un tour ! »

J’étais content de pouvoir courir un peu. Un lièvre est parti devant moi, et le l’ai suivi. Je l’ai presque rattrapé, mais je manquais un peu d’entraînement. Depuis que je vis avec eux, je ne suis plus sorti de la cour.

Je ne voulais pas les faire attendre, surtout lui, alors je suis revenu en vitesse vers la voiture. Mais elle n’était plus là, en arrivant au bord de la route, je la vis qui était déjà loin, là-bas vers le sud.
Ils n’avaient pas vu que je n’étais pas remonté dans la voiture, et quand ils allaient s’en apercevoir, ils allaient faire demi-tour. Il fallait que je les attende.
Mais la voiture s’éloigna de plus en plus.
Puis elle disparut tout à fait.

Alors je suis parti derrière eux. J’ai suivi cette route jusqu’au bout.
Jusqu’à la mer.
Elle continue sous l’eau, cette route.
Ils en avaient parlé je crois de cette île où ils iraient en prenant cette route qui disparaissait sous la mer. Ils disaient qu’il faudrait attendre l’heure où la mer se retirait pour passer.
Maintenant, j’ai les pattes mouillées.
C’est malin !
J’aurais du attendre l’heure…
Mais de quelle heure s’agit-il ?

Peu importe !
Il faut que je continue, si je ne peux plus courir, je nagerai.
Il ne faut pas qu’ils s’inquiètent.
Ils ont déjà tant de soucis.
Ils vont croire que je les ai abandonnés.
Il faut que je me dépêche de les retrouver.
J’ai peur qu’il soient perdus sans moi.
J’ai peur qu’il leur arrive quelque chose si je ne suis plus là pour veiller sur eux.
Allez !
Courage !
Il faut que je me dépêche !