Phrases 44 : Mots étoilés

« Nous sommes tous dans le caniveau,

mais certains d’entre nous regardent les étoiles. »

Oscar Wilde
*

photo M.Christine Grimard

 

  • Marcher au niveau de la mer sans autre but que de saisir l’instant où les étoiles descendent se baigner entre les rochers.
  • Savoir que rien n’est plus important que l’instant présent et savourer le parfum des étoiles en s’abreuvant de la rosée qu’elles auront déposée sur les pétales des roses au petit matin.
  • Se souvenir de la première étoile, remercier en silence le creuset qui a forgé la vie qui s’écoule dans mes veines, aussi précieuse et volatile que le sable qui coule entre mes doigts.

Variations et Vibrations 1 : Prendre un peu de hauteur

Prendre un peu de recul

Garder Un peu de hauteur

Remettre les choses en perspective

Où est mon étoile ?

De quel nuage stellaire me suis-je envolée?

Où ai-je atterri ?

Quelle est ma place dans cet univers ?

Quel est mon lopin de terre ?

Mes pieds sont-ils bien arrimés ?

Où est mon nombril ?

Mon cœur est-il bien accroché ?

Quel voyage attendra mon âme après cette escale ?

*

 

Poème : Nuit

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Photo d’auteur inconnu

Aux tréfonds de la nuit

La sentinelle luit

Sans couleur et sans bruit

Guidant les insoumis

*

Une étoile s’envole

Au bout de l’univers

En semant sa poussière

De lucioles en lucioles.

*

Et l’enfant la regarde

S’approcher de sa vie

Rêvant qu’elle s’attarde

Jusqu’au bout de sa nuit

 *

Vole, étoile ma sœur

Valse en apesanteur

Et emporte mon cœur

Là où meurent les peurs

*

Raconte-moi l’espace

L’ombre et puis la lumière

Et je suivrais ta trace

De demains en hiers.

*

Avec toi j’apprendrai

La patience et l’envie

La beauté de la vie

Au goût de Liberté

Une image … une histoire : Etoiles (partie 3)

« Il y a une étoile mise dans le ciel pour chacun de nous, assez éloignée pour que nos erreurs ne viennent jamais la ternir. »

Christian Bobin

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Le chien monstrueux était désormais doux comme un agneau, il semblait ronronner en fixant l’inconnu d’un regard d’adoration. Celui-ci siffla et l’animal bondit à ses pieds, offrant son énorme tête à la caresse d’une main qui était plus fine que son museau.

Christian osait à peine respirer, fasciné par la scène. Mais, ne lui laissant pas le temps de réfléchir, l’inconnu lui fit signe de le suivre. Sans attendre la réponse, il se dirigea vers la grille du parc. Christian lui emboîta le pas sans savoir pourquoi. Il fallait qu’il le suive et en apprenne plus sur lui. Il fallait qu’il sache…

Ils marchèrent longtemps, suivant les ruelles sombres et les grands boulevards, le chien trottinant sur leurs talons.  Les quelques personnes qu’ils croisèrent, s’écartaient en jetant un coup d’œil méfiant à l’animal. Christian ne connaissait pas ce quartier de la ville, mais il n’avait pas envie de rebrousser chemin. Arrivés devant un immeuble ancien et sombre, l’inconnu poussa la porte cochère et se tournant vers Christian, s’effaça pour le faire entrer. Christian eut un instant d’hésitation, puis baissant le regard, avança vers l’entrée obscure de l’immeuble.

L’inconnu de dirigea vers une cour intérieure, la traversa jusqu’à une porte vitrée découpée dans ce qui semblait être la verrière d’un atelier ancien. Il sortit de sa poche une clé massive et ouvrit  dans un fracas métallique qui se répercuta jusqu’au dernier étage. 

Christian restant au milieu de la cour, l’inconnu siffla et le chien obéissant se plaça derrière lui et le poussa doucement mais fermement de son énorme museau. Difficile de refuser une invitation de ce genre !

À l’intérieur de l’atelier, étaient exposées de nombreuses huiles sur toiles,  des aquarelles, des dessins au fusain et des gravures. Les murs en étaient tapissés, sauf celui de gauche où étaient suspendues des photographies en noir et blanc. Christian était fasciné par la beauté de ces images, où le style était facilement reconnaissable d’un support à l’autre. Il s’agissait principalement de portraits, d’êtres très différents mais qui avaient en commun un regard extraordinaire. Ils semblaient vivants, animés par une lumière provenant de l’intérieur du tableau. C’était très inhabituel, Christian se sentait presque intimidé devant ses regards, comme s’ils le dévisageaient. Il avait presque l’impression de les avoir dérangés.

« Je vous offre un verre, si vous voulez ? »

Christian, surpris par cette voix qui brisait le silence de ses réflexions, se retourna vers son hôte. Il avait quitté sa capuche et il vit enfin son visage fin, très pâle aux traits réguliers, presque féminins. Son regard l’attirait surtout et il ne pouvait s’en détourner. 

Il se contenta de hocher la tête silencieusement. L’inconnu sourit et se retourna pour saisir une bouteille et deux verres sur l’étagère derrière lui. Le suivant du regard, Christian remarqua un triptyque sur le mur du fond. C’était une série représentant deux personnages vêtus à la mode de trois époques différentes, posant dans une clairière en se tenant par les épaules, devant eux un énorme chien était allongé, les pattes croisées, semblant sourire en découvrant ses crocs d’une longueur effrayante. 

 Ce chien semble identique à celui de l’inconnu, se dit Christian en les regardant tour à tour. Un peu troublé par cette coïncidence, il s’attardait sur les visages des deux personnages. De plus en plus intrigué, il n’osait en croire ses yeux. Même sourire, même regard, même forme des visages, même cheveux.

L’homme de droite était le sosie de l’inconnu qui lui offrait à boire et l’homme qui le tenait par les épaules semblait être son propre jumeau. 

« Ne vous inquiétez pas, les apparences sont parfois trompeuses. La réalité est souvent plus simple que ce que l’on imagine. Venez vous asseoir, la soirée est belle…  »

L’inconnu lui désignait un banc placé contre la verrière, où il prit place lui-même. 

Christian ne savait plus où il était, ni l’heure qu’il était. Peu lui importaient le jour, l’heure ou le lieu, il voulait seulement rester là, auprès de ces deux êtres sortis de nulle part, et connaître leur histoire. Il avait l’impression d’être revenu à la maison sans avoir jamais mis les pieds dans cet immeuble auparavant. Il y avait quelque chose caché derrière ces mots, derrière ce regard fascinant, et il devait comprendre quoi…

Lui revenaient en boucle, les phrases de son rêve récurrent :

Je suis plongé dans ce rêve,

Encore une fois.

Toujours le même.

Et je te vois

Je sais que c’est toi et pourtant je ne sais pas qui tu es.

Il prit place auprès de l’inconnu, saisit le verre qu’il lui tendait et fixa en silence ces prunelles d’allure si familières…

–> fin <–

Une image … une histoire: Étoiles (partie 2)

« Il y a une étoile mise dans le ciel pour chacun de nous, assez éloignée pour que nos erreurs ne viennent jamais la ternir. »

Christian Bobin

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Ce fut à cet instant précis qu’il entendit le grognement sourd de son rêve monter dans la nuit…

Il était paralysé sur son banc. La soirée n’était pas froide, pourtant il avait la sensation que son cœur était pris dans les glaces.

Sans tourner la tête, il essaya de voir d’où venait ce grondement. Il avait l’impression que le monstre à qui appartenait ce cri n’attendait que de croiser son regard pour fondre sur lui. Tant qu’il ne bougerait pas, il ne pourrait rien lui arriver. Les minutes s’égrainaient lentement, longues comme des heures. Il ne pourrait pas rester des heures immobile, la nuit commençait à être oppressante. Soudain, n’y tenant plus, il se leva brusquement et se retourna. Mieux valait affronter sa mort en face !

L’animal le fixait de ses yeux couleur fauve. Il lui sembla énorme. Monstrueux. Son pelage uniformément noir ondulait sous les rayons de la lune, suivant sa respiration. Il ne grognait plus et se contentait de retrousser les babines, exhibant ses crocs d’ivoire dans un monstrueux sourire. Il était à quelques mètres de lui qu’il franchit en deux pas. Même si Christian avait voulu lui échapper, il n’aurait eu aucune chance. L’animal continuait à le fixer mais avait cessé de gronder. Était-ce un signe d’apaisement ? Christian hésitait entre partir en courant et rester immobile.

Par instinct, il leva lentement la main droite devant lui comme pour se protéger de la mâchoire immense de l’animal. Celui-ci sembla accentuer son sourire, dévoilant des molaires grosses comme des dés d’ivoire. Christian savait qu’il ne fallait pas fixer le regard d’un chien, pour ne pas qu’il se sente agressé et qu’il attaque sans sommation, mais il ne pouvait détacher son regard de ses prunelles fauves qui  semblait avoir pris possession de sa volonté. Était-ce vraiment un chien d’ailleurs ? L’animal approcha sa truffe de la paume de sa main et la flaira avec une application qui lui coupa la respiration. Christian se demandait s’il devait retirer sa main lorsqu’il sentit une langue râpeuse le lécher soigneusement en n’oubliant aucun interstice. Il en conclut que ses doigts avaient gardé l’odeur de son sandwich et il espérait que le molosse n’allait pas s’en servir d’en-cas.

Il n’osait plus bouger, lorsqu’il entendit un pas léger dans la nuit. Le chien redressa les oreilles et émit un petit cri de contentement, puis se coucha devant Christian, haletant, se tournant vers le nouvel arrivant. Christian se dit qu’il avait quelques secondes pour s’enfuir avant que le chien ne s’intéresse de nouveau à lui, et jeta un coup d’œil pour évaluer la distance qui le séparait de la grille du parc. Avant qu’il n’ait pu faire le moindre mouvement, une voix pleine d’autorité s’éleva dans l’obscurité :

– N’y songez pas ! Il vous immobiliserait en une seconde …

Christian essaya de distinguer d’où provenait cette voix qu’il lui semblait connaître, mais ne vit qu’une silhouette sombre onduler sur le fond sombre des arbres. La personne s’approcha lentement d’une démarche féline et parvenue à quelques pas émis un sifflement étouffé auquel le chien répondit par le même sifflement. Cette connivence rassura un peu Christian, sans qu’il sache pourquoi. Ces deux-là, s’ils étaient complices et malveillants ne feraient qu’une bouchée de lui…

Le visage de l’inconnu apparu brusquement dans la lumière du réverbère du kiosque voisin. Christian fut fasciné par l’éclat de son regard. Il n’avait plus envie de fuir, même la mort donnée à l’ombre de ces cils, ne pouvait qu’être un délice …

La bouche sèche, il n’avait plus la force de lui parler ni même de respirer. Il ne voulait que rester là et regarder ces yeux verts parsemés de paillettes dorées, étincelants, fixés sur les siens.

Lui revinrent en boucle les phrases de son rêve:

Je suis plongé dans ce rêve,

Encore une fois.

Toujours le même.

Et je te vois

Je sais que c’est toi et pourtant je ne sais pas qui tu es.

–> A suivre <–

 

 

Phrases 2 : Mots étoilés

Trois phrases sans prétention ciselées comme des diamants pour briller sous la lune et parler aux étoiles.

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  • Quand la dernière étoile s’éteindra, je fixerai ton visage et tu n’auras plus qu’à ouvrir tes yeux pastel pour que tout l’univers en soit illuminé.
  • Sous les étoiles, au pied du vieux chêne, les lucioles ont élu domicile dans les genêts, scintillant sous les grappes de fleurs ambrées et l’on ne sait plus de qui vient la lumière.
  • Si, au moment où le soleil disparaît à l’horizon, tu regardes vers l’ouest la première étoile qui s’élève au-dessus de la colline et que tu penses à moi, je le sentirai et cette étoile brillera rien que pour nous deux.

Une image…une histoire: Départ

« Why do you stay in prison when the door is so wide open? »

Rumi

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Photo auteur inconnu

 

Encore une nuit sans sommeil.

Il les entendait passer tout autour, les bruits des autres, la vie des autres.

Lui, il restait là, immobile dans cette prison. Les bras le long du corps. Inerte, contracté, rigide, rétracté.

Ce corps ne savait plus rien faire, à part respirer, et avoir faim.

Les premiers temps, la faim était pénible, lancinante, insistante. Puis, il s’était habitué. Il ne bougeait plus, ne dépensait plus d’énergie, ou le moins possible, et la faim elle-même s’était tue.

Il se sentait de plus en plus léger.

Parfois, il avait la sensation de s’envoler, mais ça ne durait jamais. Quelques secondes, et puis quelque chose le rattrapait par les pieds,  et il retombait sur le sol, froid et dur. Il avait toujours froid. Toute cette humidité s’insinuait par tous les pores de sa peau. Pourtant, il n’aimait que la chaleur.

Où était parti le soleil ?

Où étaient cachées les étoiles ?

Le silence arrivait. Il allait le savourer. Il serait court, une heure tout au plus, puis ils reviendraient le briser avec leurs paroles et leurs instruments.

C’était l’heure entre jour et lendemain, où tous les possibles sortent de l’ombre. L’heure entre chien et loup, où les chimères prennent vie, où les rêves prennent corps. Son rêve à lui, c’était de nager aux confins des étoiles, de voguer sur leur poussière scintillantes, sans limite, sans frissons.

Il lui restait quelques minutes avant qu’elle n’entre. Il savait qu’elle viendrait, lui prendrait la main, compterait les battements de son pouls et les soulèvements de sa poitrine, scrutant la couleur de ses lèvres. Il ne voulait pas qu’elle le retienne un jour de plus.

Il n’y avait qu’à prendre son élan, et bloquer sa respiration. Juste une petite minute.

*

Il n’eut que le temps de se retourner pour la voir entrer sans frapper, selon sa détestable habitude.

Il sourit, visa la grande ourse, et s’envola avant qu’elle n’ait eu le temps de prendre sa main.

*

Elle s’approcha de lui, étonnée de son air paisible. Il n’avait pas été aussi paisible depuis bien longtemps. Cette pâleur ne lui disait rien qui vaille.

Et ce silence.

Elle se pencha vers son visage, impassible, posa sa main sur la sienne, appuyant la pulpe de son index sur cette gouttière creusée à la racine de son pouce. Elle soupira, prit le stéthoscope autour de son cou, l’ajusta sur ses oreilles, posa le pavillon sur sa poitrine et soupira de nouveau.

Elle fixa son visage de nouveau en hochant la tête, puis s’approcha de la fenêtre. Les lumières de la ville lui cachaient le ciel, mais elle savait que derrière les premiers nuages, la voie lactée éclatait de beauté.

Un sourire revint sur ses lèvres. Se retournant vers lui, elle lui dit:

« Tu as choisi une belle nuit. J’espère que ton voyage sera beau. Je penserai à toi. Je suis heureuse que tu sois libre, maintenant… »

Malgré elle, l’émotion la submergeant, elle ne put empêcher les larmes de monter. Les chassant d’un revers de main, elle lui jeta un dernier regard, puis sortit de la chambre pour prévenir ses collègues.

Photo du jour: Infini

« Qui cherche l’infini n’a qu’à fermer les yeux.  »    Milan Kundera

Ce soir, il fait plus froid pour la première fois de la saison.

Le vent d’automne chasse les nuages.

Le ciel est infiniment vide.

La nuit est uniformément pleine d’étoiles.

Ce vide est saisissant. Ce plein est oppressant.

L’obscurité est constellée de paillettes infiniment petites, infiniment lointaines.

Combien de corps célestes tournent au-dessus de ma tête ?

Une infinité.

Combien de corps tournent dans cet infini ?

Combien de particules  se dispersent dans cet espace ?

Combien de poussières célestes  errent dans ce vide ?

Combien d’êtres pensants  dansent dans cette nuit ?

Où est donc ma place dans ces amas d’étoiles ?

Pourquoi ces particules ont-elles convergé vers l’instant de la première cellule ?

Comment la vie a-t-elle choisi sa voie ?

Les questions resteront en orbite.

Je les laisse tourner.

Peu importe pourquoi et comment je suis là.

Infiniment petite.

Éternellement insignifiante.

Peu importe quand le temps m’emportera.

Si j’ai laissé scintiller ma poussière d’étoile,

Jusqu’au bout de mes ongles,

Jusqu’au bout de mon cœur,

Jusqu’au fond de mon âme,

Et si tu l’as vue briller dans mes yeux.

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Texte M.christine grimard
Photo anonyme