
Photo Marie-Christine Grimard
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Un soir, arrivant à la ferme en avance, je trouvais la fermière en plein travail. Elle plantait des campanules murales de chaque côté de l’escalier. Aimant leur couleur pervenche, elle espérait les voir fleurir à la Pentecôte où chaque année, elle réunissait toute sa famille :
« Ce qui fait une occasion de se voir, en dehors des mariages et des enterrements » disait-elle.
Je la revois installer ces petits plans minuscules, le sourire aux lèvres, en imaginant le résultat dans quelques années. Son sourire édenté si lumineux faisait étinceler jusqu’à la prunelle de ses yeux.
« Tu verras ma petite, ces petites campanules formeront une cascade de fleurs bleues jusqu’en bas de marche à chaque Pentecôte. C’est moi qui te le dis ! »
J’éclatais de rire avec elle, tant sa joie était communicative.
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Ce soir, en reprenant le chemin de la ferme avec mon chien sur les talons, je me souviens de ses belles mains qui savaient faire naître la vie et nourrir les hommes.
Le ciel est léger, j’ai bien grandi et je n’ai plus peur de l’épervier. Je le vois arriver de très loin, majestueux, les ailes déployées dans la lumière. Quand il aperçoit le chien, il change de direction et se perche sur le grand chêne.
Il n’y a plus de blé pour me masquer l’horizon, les champs sont des jachères où les coquelicots et les fleurs sauvages se disputent le terrain avec les quelques plants de luzernes ayant échappé à la sécheresse de l’année.
En arrivant à la ferme, ni Tom Sawyer ni Philippe, le pirate fourchu, ne viennent me saluer. Les persiennes sont obstinément fermées. Leur bois se gonfle doucement, effaçant peu à peu les derniers résidus de cette peinture couleur pervenche qui plaisait tant à Marie. Philippe est parti vivre en ville et ses parents font désormais leurs moissons de nuages.
Voilà bien longtemps que la ferme est vide.
J’appelle le chien qui court vers l’escalier suivant une piste imaginaire de belette ou de musaraigne.
Au coin de la maison, la surprise me cloue sur place. Masquant le soupirail au croquemitaine, une cascade de fleurs violettes dégringole les marches, tapis parfumé de lapis-lazuli. Marie aurait été très fière de ce résultat magnifique.
Je souris à son souvenir en levant les yeux vers le sommet des marches.
Un court instant il me semble qu’elle va arriver sur la première marche avec un petit fromage blanc pour mon dessert. Mais il n’y a plus que le silence. Je siffle le chien, resté en arrêt au milieu des marches, qui gronde en regardant le soupirail.
« Viens mon chien, on rentre ! Il n’y a plus personne ici. La nuit va bientôt tomber.»
–>> à suivre
(Extrait de
D’ici et d’ailleurs, 13 nouvelles
Marie-Christine Grimard)
elle était encre un peu là avec les campanules
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Oui vous verrez demain à quel point 🙂
Bonne journée chère Brigitte
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Très beau. Je lirai la suite!!!
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Merci beaucoup 🙂
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Je la vois cette cascade de pervenches. Elle est juste tapie derrière l’histoire…
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J’en suis heureuse 🙂
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Dommage que toutes ces fermes disparaissent les une après les autres cela donnait un certains charme à la campagne. Bonne soirée à vous
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Vous avez raison georges, dommage que la campagne se dépeuple peu à peu. Et qui va nous nourrir bientôt ?
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