
Photo Marie-Christine Grimard
…,
Je siffle le chien resté en arrêt sur les marches qui gronde en regardant le soupirail.
« Viens mon chien, on rentre ! Il n’y a plus personne ici. La nuit va bientôt tomber.»
Il descend lentement, traverse la cour puis se retourne et se précipite vers la porte de l’étable en aboyant joyeusement.
Je cherche des yeux cet ami invisible auquel il semble « faire la fête » et ne vois que les campanules ployant sous la brise du soir comme si quelqu’un descendait les marches en les caressant de la main au passage.
Le chien saute sur place en jappant de plus belle fouettant l’air de sa queue. Il gambade jusqu’au pied de l’escalier puis revint vers moi semblant suivre une trace invisible.
Je ne l’ai jamais vu se conduire de la sorte.
Il pousse un gémissement à l’instant où je sens distinctement le vent qui tournoie dans la cour, venir s’enrouler autour de moi. J’ai la sensation qu’il me serre dans ses bras et me caresse la joue. Je regarde le chien qui aboie joyeusement en sautant autour de moi.
Cela ne dure qu’une fraction de seconde, puis le vent s’envole vers le sommet du chêne secouant les branches de la cime.
Tout est calme de nouveau. Le chien me regarde du coin de l’œil soudain impressionné par le silence qui s’installe. Il me suit la tête basse lorsque je sors de la cour. Je referme la barrière grinçante en murmurant :
« Oui, Marie, tu peux être fière de toi, elles sont magnifiques tes campanules ! »
Derrière moi un bruit d’ailes me fait sursauter; une tourterelle s’envole dans la lumière du couchant. Elle se pose sur le pignon de la maison. Je reprends le chemin qui passe sous le chêne. Le ciel flamboie. Dans la cour, résonnant entre les murs aux pierres dorées, je crois entendre un rire tinter. Il flotte un léger parfum de mûres, en fermant les yeux je crois sentir un peu de gelée mauve couler sur ma langue…
Mais on m’a toujours dit que j’avais trop d’imagination…
–>> FIN
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Extrait de
D’ici et d’ailleurs, 13 nouvelles
Marie-Christine Grimard