La ronde de septembre : Accents (1)

Le 15  septembre 2017, la ronde autour des accents.

Participant depuis un an à la ronde à la demande de Dominique Autrou,  je remercie tous les participants de leur partages amicaux et vous rappelle le principe retranscris ici depuis le blog de Dominique: «La ronde est un échange périodique bimestriel de blog à blog sous forme de boucle, sur une idée d’Hélène Verdierle promeneurquotiriens et Dominique Autrou à l’automne 2012. Le premier écrit chez le deuxième, qui écrit chez le troisième, et ainsi de suite. Pour chaque échange, un thème, un simple mot. Prétexte à un travail d’écriture pouvant prendre la forme d’un récit, une fiction, un poème, une page de carnet…»

J’ai le plaisir d’accueillir Marie-Noëlle  et mon texte est publié chez Franck (à l’envi) 

Merci à eux deux, merci à tous ceux qui font la ronde de septembre, dont le thème est : «Accents».

La ronde tourne cette fois-ci dans le sens suivant, par ordre du tirage au sort (un clic sur le lien de son blog libère le nom de l’auteur) :

 
Bonne lecture à tous au fil de la ronde !
 
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Tempeste dans un verre d’eau

 

Quand Dominique m’a invitée à entrer dans cette ronde sur le thème des accents, je n’ai pensé qu’à celui de ma région d’origine, la Bourgogne, avec son r roulé, la seule de ses caractéristiques encore évoquée aujourd’hui. Puis, dans l’après-midi, une étincelle et le chapeau de la cime tombait dans l’abîme. Fidèle au rendez-vous du hasard objectif, je ne suis pas étonnée que RFI, le soir même, rediffuse « La danse des mots», la très belle émission d’Yvan Amar, consacrée à un entretien avec Michel Feltin-Palas sur le thème : L’accent, un enjeu de pouvoir et qu’ils évoquent ensemble les deux sens de ce mot.

 

Ce fameux r, la génération de mes grands-parents voir celle de mes parents le roulaient plus ou moins comme au fil des saisons les rivières le faisaient avec les graviers. Ce r roulé était aussi celui des immigrés venus de Pologne, parfois de leurs enfants, qui l’avaient plus ou moins ; j’ignore si cela dépendait de leur région d’origine ou de leur niveau d’assimilation.

 

Cet accent-là l’ai-je jamais eu, l’ai-je encore ou l’ai-je perdu ?

Je me souviens d’une douloureuse séance de lecture à haute voix en classe de CM2. Il y était question de chapeau pointu que je persévérais à prononcer \pwɛty\ bien que l’institutrice s’obstinât en vain à me répéter que je ne disais pas \fwɛ\ mais \fwɛ\ et à me faire rabâcher la phrase.

Je le retrouve, peut-être moins l’accent que le parler avec ses mots, ses expressions et sa syntaxe dont il est généralement indissociable. Ce vocabulaire imagé et affectif aiguillonne les inflexions de la pensée et de la phrase, mêlant des alluvions du Charolais et du Morvan d’où étaient originaires une partie de ma famille à un parler montcellien.

Quand, avec ma mère, nous parlions de son cousin, jamais nous ne le nommions Claude. C’était le Glaude, prononciation rendue célèbre par le film «  La Soupe aux choux  » qui se déroule dans le Bourbonnais, pas si lointain.

Aujourd’hui encore, il m’arrive souvent de dire « être en feuille » pour « être en arrêt maladie », expression d’abord employée par les mineurs mais dont l’usage s’était répandu. Alors, il ne me viendrai jamais sur la langue de dire \fœj\, c’est toujours \føj\ qui germe.

 

De mes études universitaires, je ne me rappelle pas les leçons qui décryptaient les nuances et les glissements de prononciation et de sens de ce parler par rapport au français dit standard. Mais, je me souviens que cet accent, celui qu’enfants nous appelions chapeau et qui justement n’en porte pas, était comme la cicatrice dans l’écriture d’un s qui s’était abîmé en chemin. Je n’aime pas que la réforme de l’orthographe roule la langue en la dépossédant de ses accents et des traces de son histoire. Mais cela n’est sans doute que tempeste dans un verre d’eau.

Il y a également l’accent sur la deuxième partie mon prénom, Noëlle, dont j’ai dû demander à la professeure de dactylo comment le réaliser afin de l’écrire sur la feuille de renseignements. C’était lors de la première leçon que j’aurai assurément oubliée sans cet embarras fondateur.

Je n’abandonnerai pas les accents, ils sont le sel de la langue, ils sont le sel sur ma langue !

*

 Texte et Image : Marie-Noëlle Bertrand


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12 réflexions sur “La ronde de septembre : Accents (1)

  1. L’accent, oui, comme le sel sur le bœuf bourguignon (les vegan ne prennent pas d’accent !)…
    Il faut les maintenir au menu, ces accents (belle évocation) !

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  2. Eh bien oui, nous, nous avons des accents, au grand dam des pays dont l’écriture n’en possède pas !

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  3. […] Marie-Noëlle chez Marie-Christine Grimard : Promenades en Ailleurs […]

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  4. Adoré votre « tirade » chez Franck ! Un débordement salvateur « à la Cyrano »! 😁

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  5. @ Marie-Christine : il y en a des, qui réclament à grands cris, comme des grenouilles dans une mare, la suppression des accents ! Au nom de la sacro-sainte égalité avec les autres peuples, ceux qui n’en ont pas !
    Alors, supprimons aussi les autres différences, le vin, la cuisine, les parfums, etc…

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    • @Alex: Effectivement on est entré dans l’ère de la simplification, où tout ce qui représente une difficulté doit disparaître. Nivelons-nous tous sur le plus simple, et surtout arrêtons de réfléchir. Le fait que les accents soient apparus dans notre langue pour différencier certains mots de leurs homonymes, ou encore pour supprimer le S, n’a pas d’importance dans ce monde du langage « parlé » ou SMS. Que nous finissions par ne plus comprendre les textes n’a plus la moindre importance puisque ceux qui les lisent se rarefient…

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  6. Entièrement d’accord, chère Chris.
    C’est l’invention du dictionnaire et de l’Académie française, sous Louis XIII, qui a propulsé la France devant le monde entier, et fait du français la langue diplomatique, puisque les mots étaient définis pour la première fois par un dictionnaire.
    La mode étant à tout détruire, les méchants terroristes n’auront bientôt plus rien à supprimer.

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  7. Merci à tous de vos réactions autour de ce texte partagé.
    J’aimerai partager aussi l’ancien blog de Gabriella (cité par Giovanni dans cette ronde de septembre) avec en exergue Jean-Jacques Rousseau : « L’accent est l’âme du discours ». Et je me permettrai humblement d’ajouter : …et du texte.

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