Voici ma contribution pour le dernier atelier de l’été dernier de François Bon dans le cadre de son cycle « Personnages » : « Faire semblant d’être Pierre Michon ».
Merci à ceux qui apprécieront de retrouver le personnage qui se dévoile dans ce texte.
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Il lui faut bien gagner sa vie, faire le ménage n’est pas déchoir après tout. Il n’y a pas de sot-métier et les deux personnes chez qui elle travaille ne sont pas désagréables. L’employé en charge de son dossier à l’agence qui l’emploie, est un peu son ange gardien. Il l’a prise sous son aile et lui a choisi des clients sympathiques. L’une est une femme très âgée qui la traite comme sa petite fille et lui donne mille conseils de prudence lorsqu’elle époussette ses bibelots, l’autre est un vieil homme solitaire qui refuse qu’elle touche à son bureau où s’entassent des tas de feuillets couverts d’une écriture illisible et des carnets de moleskine sombre tous plus défraîchis les uns que les autres.
Le vieil homme l’intrigue, il est toujours très poli avec elle mais ne la regarde jamais dans les yeux, lui donnant des ordres secs en baissant la tête. Elle fait ses courses courantes, lui prépare ses repas, s’occupe de son linge et fait le ménage tandis qu’il monologue dans son bureau. Elle ne lui connaît pas d’amis, mais sait qu’il descend souvent s’asseoir au square voisin pour y passer l’après-midi. Il prend des notes sur ses petits carnets, parle parfois aux passants et rentre chez lui à la nuit tombante.
Mais un jour, en faisant la poussière, elle renverse un carton à chaussure posé en haut de l’étagère du salon. Une dizaine de carnets en tombent dont certains laissant échapper des grosses coupures. Il se précipite dans le salon alors qu’elle tente de les ramasser et entre dans une colère noire, l’accusant de l’espionner et de vouloir le voler. Elle a beau se défendre de telles intentions, il ne veut rien entendre et la pousse dehors en lui jetant son manteau et son sac à la tête.
Elle reste un moment devant la porte de son immeuble, abasourdie puis se décide à traverser. Elle ne racontera pas son aventure à son mentor à l’agence, craignant qu’il ne la prenne pour une incapable. Elle sent ses jambes se dérober sous elle, et décide d’aller prendre un café avant de rentrer chez elle. Dans le bar, les habitués jouent à la belote en sirotant leur ballon de blanc. L’un d’eux, qui était un ami de son père, l’apostrophe en lui demandant la raison de sa pâleur. Elle secoue la tête en silence et baisse les yeux sur sa tasse. A cet instant, le vieil homme sort de son immeuble, l’aperçoit au comptoir du bar, et vocifère des injures à son intention en gesticulant, puis s’éloigne à grands pas vers le square. Elle en a les larmes aux yeux. L’ami de son père se lève et s’approche d’elle. Elle lui explique en deux mots ce qui vient de se passer. Il tente de la rassurer, lui disant de ne pas se formaliser pour un vieux fou. Il lui explique de c’est un type peu recommandable, qui a toujours trempé dans des affaires louches et qu’il est préférable pour elle de ne plus travailler pour lui. Elle rentre chez elle, un peu rassérénée mais n’arrive à trouver le sommeil qu’au petit matin.
Le lendemain matin, on sonne à sa porte. Elle émerge difficilement d’un rêve pénible, se lève, s’habille précipitamment et va ouvrir. Deux inspecteurs lui montrent leur carte professionnelle et lui demandent de la suivre au commissariat. Elle demande des explications qu’ils refusent de lui donner, lui indiquant que le commissaire attend sa venue. On la conduit toutes sirènes hurlantes à travers des rues étroites jusqu’au quai des orfèvres, puis jusqu’à un bureau sombre au fond d’un couloir où l’attend une jeune femme disparaissant derrière un monceau de dossiers. Elle se présente comme étant le Commissaire en chef, lui indique un siège en face d’elle et commence à l’interroger sur sa vie et les personnes qui l’emploient.
Elle répond à son interrogatoire en détail se demandant ce qui lui vaut cet honneur mais n’ose poser la question directement. Au bout d’une heure, le commissaire se lève, va chercher une grande enveloppe sur son étagère et en sort quelques photos qu’elle étale devant elle. Elle reconnaît l’appartement du vieil homme, mais tout est dans un désordre indescriptible. Elle s’exclame devant ces images, expliquant qu’elle a quitté un appartement impeccablement rangé, et se décide à raconter le pénible incident survenu la veille.
La policière n’ajoute rien et pousse devant elle une dernière photo. Elle reconnaît le visage du vieil homme, le regard éteint. Il est allongé sur les tomettes de l’entrée. Il a l’air d’un homme ordinaire, vêtu d’un imperméable défraîchi et toujours coiffé de son chapeau de feutre bleu marine, si ce n’était ce grand trou derrière le crâne exhalant un mélange hideux aux couleurs de mort.
Réalisant soudain, la jeune femme pousse un cri et s’évanouit sur sa chaise. Lorsqu’elle se réveille plusieurs minutes plus tard, elle est dans une cellule allongée sur une paillasse sommaire. Au-dessus d’elle un vasistas laisse filtrer une lumière blafarde.
L’inspectrice referme la petite boîte contenant une dizaine de carnets de moleskine et la range au fond du tiroir de son bureau. Ils doivent contenir une multitude de renseignements sur la victime mais elle n’a pas le temps de tout décortiquer pour le moment. La jeune femme a probablement encore des choses à dire. Elle mettra le stagiaire sur le coup demain, ferme son tiroir à clé, éteint sa lampe de bureau et sort dans la brume du petit matin.
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Palpitant ! J’espère qu’elle va pouvoir s’en sortir….
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Qui sait….?
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et je retrouve ce début d’erreur policière sans savoir si cela débouchera sur une erreur judiciaire (lui souhaite que non à cette pauvre femme)
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Merci beaucoup Brigitte
Je suis ravie que sa destinée pose questions 🙂
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Les petits matins sont meurtriers, parfois quand il y a de la brume… La Cour des loges pourrait être un Palais de justice (mais laissons planer le mystère) ! 🙂
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Autrefois le palais de justice était tout près de la cour des loges, mais les temps ont changé. Ce qui est sûr, c’est qu’on y mange très bien !
Un peu de mystère ne nuit pas en ces petits matins brumeux de décembre.
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03 décembre 1877 : Le poète et inventeur Charles Cros, demande à l’Académie des Sciences d’ouvrir et de lire en séance publique son pli décrivant le paléophone.
Le paléophone est un phonographe bien avant celui d’Edison.
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Oh je ne connaissais pas ce gramophone paléontologique !
Merci Alex pour vos références historiques 🙂
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Passionnant ! À quand la suite ?
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Merci 🙂
La suite est laissée à l’imagination du lecteur !
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Ah ! Bon…
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Oh je suis désolée de votre désappointement, j’irai peut-être fouiller un peu dans ces carnets…
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Bonjour
C’est avec délectation que je viens de te lire …
Les images ont défilé sans cesse dans ma tête à chacun de tes mots … un petit peu comme si je me trouvais derrière l’épaule d’un « conteur » et que mots après mots j’intégrais l’histoire pour m’y retrouver et que je voyais devant moi ce vieil homme aigri, cette pauvre femme debout hébétée devant la porte de celui qui vient de la jeter, attablée dans un café et essayant de retrouver ses esprits, se « réveillant » dans une cellule et se demandant ce qu’elle fait là puis ces petits carnets, qui ont l’air d’être LA trame de l’histoire …
Et si cette histoire continuait par eux …
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Merci beaucoup pour cette appréciation, c’est ainsi que j’ai écrit cette histoire, comme un scénario noyé montrant l’histoire tragique de la jeune femme.
Les carnets déciderons sans doute de la suite du film 🙂
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Ah ! la pauvre j’espère que ces explications suffiront à l’innocenter ? beau texte…bon dimanche à vous 🙂
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Je l’espère aussi !
Merci Georges et bon dimanche enneigé à vous aussi 😉
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J espère qu une suite est prévue!
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La consigne de François Bon ne prévoyait pas de suite à l’histoire, mais devant la demande, je vais y réfléchir !
Merci à vous, j’en suis très touchée 😉
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Très émouvant moi aussi j,attend la suite bon dimanche
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Merci Monique .!
Bon dimanche à vous aussi
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