Pour ce second atelier la consigne était de d’écrire trois personnages en interaction dans un même lieu en trois paragraphes distincts, par exemple dans le métro…
Je ne prends que très rarement le métro aussi j’ai placé mes personnages dans un autre lieu fréquenté par du public que je connais mieux. À chacun de le reconnaître.
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Trois personnages :
Il entre à petits pas tellement courbé que l’on ne voit que le sommet de son crâne dégarni. Chaque mouvement l’essouffle et sa canne lui sert d’ange gardien. Il lève les yeux vers les personnes déjà assises, adressant un sourire édenté à la cantonade. Il avise une chaise dans le coin de la pièce, s’assoit lourdement en laissant tomber son portefeuille. Il se penche en avant déployant un bras décharné noueux comme un tronc centenaire, tendant sa main ridée et tremblante vers le sol. Mais le portefeuille a glissé sous le siège du voisin qui l’ignore, les yeux clos, les oreilles cachées derrière un énorme casque audio qui lui mange la moitié du crâne. Le vieil homme se redresse, à bout de souffle, les lèvres cyanosées et se tient la poitrine en fermant les yeux. La plongée en apnée, ce n’est plus de son âge, pense-t-il, la terre est trop basse pour ses vieux os. Il s’accorde quelques secondes de répit, attendant que son cœur se calme et que ce vertige cesse pour faire une seconde tentative.
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Elle affiche un visage conquérant empreint de l’insouciance de sa jeunesse, un regard aux reflets de bronze dont elle balaye la pièce à chaque nouvelle entrée, avant de se replonger dans son roman en anglais. Elle ne se laisse vraiment distraire que par les notifications qui illuminent sans arrêt son écran de smartphone. Une frange de cheveux châtains lui barre le front, ondulant avec les oscillations de son crâne, synchronisée au tempo du morceau de Dylan qui sort de ses écouteurs et dont tous les voisins profitent généreusement. Elle fait mine de ne pas remarquer l’arrivée du vieil homme mais un léger tremblement apparaît sur ses lèvres lorsqu’il fait tomber son portefeuille. Sans lever la tête, elle jette un coup d’œil sur cette main tremblante, fait la moue, puis se lève brusquement, ramasse l’objet et le tend au vieil homme. Sans un mot, elle se rassoit en balayant les visages des adultes présents d’un regard outré qui leur fait monter le rouge aux joues. Elle hausse les épaules et se remet à lire.
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La secrétaire entre dans la pièce, s’approche du porte-revues pour disposer les derniers numéros de Paris-match qu’elle vient de recevoir, puis énonce le nom du patient suivant. Une petite femme se lève pour la suivre, le front en sueurs, soudain prise d’une quinte de toux caverneuse. Elle se précipite dans le couloir, en bougonnant « c’est pas trop tôt ! » entre ses dents. La secrétaire qui en a vu d’autres, ne perd pas son sang froid et répond : « le docteur avait été appelé pour une urgence à la clinique, il a terminé et va donc pouvoir s’occuper de vous. » Elle adresse un sourire à la cantonade, remonte ses lunettes sur le nez, redresse son chignon banane et sort derrière la patiente. Elle se dit que dans trois heures, à son cours de Salsa, elle pourra oublier à quel point les patients sont de moins en moins patients.
texte et photo M Ch Grimard
Ton texte est magnifique et reflète bien le vécu de beaucoup d’entre nous dans le salle d’attente d’un médecin….Bon dimanche…Bises
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Merci beaucoup Georges pour la visite et le commentaire 🙂
Bon dimanche à vous aussi. Bises
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Beau texte à relire comme en flash-back (et non flash-Bach)… 😉
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Merci de l’avoir relu alors si vous l’aviez déjà vu sur le site de François Bon. Je ne sais illustrer mes textes musicalement comme vous le faites chaque jour avec du Bach, malheureusement.
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@ mchristinegrimard : Mais je ne sais faire des GIF comme il vous arrive d’en montrer sur Twitter… 😉
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Je regrette les petits films sur Vine Où l’on pouvait associer très facilement images et sons en deux temps trois mouvements, même en étant nulle comme moi !
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@ mchristinegrimard : OUi, la suppression des Vine est très dommage, on pouvait s’amuser à créer des trucs marrants ou esthétiques. Mais il paraît que sur Instagram, il y a des possibilités ? 😉
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J’ai vu passer quelques mini-videos sur certaines pages d’instagram mais n’ai encore jamais essayé 🙂
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Exceptionnellement, enfin le temps de lire cette délicieuse description, (très réussie comme d’habitude), d’une salle d’attente chez le médecin ! J’aime particulièrement l’infirmière, prototype de toutes les infirmières, qui ont toujours l’air de penser à quelque chose d’amusant !
Le sourire de l’infirmière est indispensable, il enlève le stress du rendez-vous.
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Merci pour votre commentaire.
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Le niveau descriptif des scénettes atteint des sommets! C’est du Grand Art en peu de mots; aussi du scénario…Le milieu est bien évoqué!! On a envie de ramasser le portefeuille pour aider ce pauvre homme épuisé…Chacun semble ainsi vivre un peu dans sa « bulle » (ce qui, bien souvent, est le cas dans la vie courante…)…des gens comme vous font éclater les bulles…Champagne!!…
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Merci beaucoup cher Patrick de ce gentil commentaire sur mon texte. Cela me touche. Il est frai que chacun s’occupe de son propre nombril même dans un cabinet médical ou chacun souffre pour soi-même. C’est humain probablement… Il faudrait faire se rejoindre les bulle ! vous avez raison 🙂
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