Va-Et-Vient numéro 14 : L’absence imprévue, par Dominique Autrou

Dans la lignée des célèbres Vases communicants, ce numéro 14 de Va-et-vient reprend le même schéma de communication : des personnes qui écrivent un texte avec ou sans illustration, sur le blog des autres. Ce jeu littéraire paraît tous les premiers vendredis du mois. Le thème de celui-ci s’intitule « L’absence imprévue ».

Pour cet échange, j’ai le grand plaisir de recevoir de nouveau sur cette page Dominique Autrou qui publiera mon texte sur La distance au personnage.

Les autres échanges se déroulent entre :

Marlen sauvage sur Les ateliers du déluge et Jérome Decoux sur carnet paresseux

 Dominique Hasselmann sur Métronomiques et Amélie Gressier sur Plume dans la main

Pour le Va-Et-Vient numéro 15, le thème sera : « De multiples détails sans importance »; à vos plumes.

Voici le texte de Dominique :

L’absence imprévue

Parfois, au réveil, cette impression d’absence, d’autant plus révoltante qu’elle fait suite à une activité onirique un peu trop optimiste. Pendant longtemps on s’y croirait encore, dans ce rêve béni ; avant de s’évaporer, celui-ci inonde le réel qu’on vient de rejoindre en se regardant dans la glace, où précisément le réel est à l’envers (ce qui serait un bon début).

Et pourtant, une absence, ou un manque, un empêchement, le souvenir brutal de quelque chose qui vous est tombé dessus avec une amertume innommable, presque indicible. Il fait nuit ?

 

Alors quoi. Embrasser l’aube d’été ? Il faudrait des épaules un peu plus larges, l’inverse d’une ambition en ruine. Il y aurait plusieurs solutions, sortir et aller vers quelqu’un d’autre, discuter, donner un coup de main, que sais-je encore, mais cela ne se présente pas toujours avec force et évidence. On n’a pas non plus la présence d’esprit d’ouvrir un livre, le corps réclame du mouvement. Danser ? De la musique ? Il est tôt.

 

En général je me dirige vers le fond du jardin, après la haie, derrière le talus, le long de la route, à travers les pâtures, à me perdre. Sans bruit, je regarde. Lorsque j’habitais en ville, il suffisait de contourner le pâté de maisons, puis un autre, mais ici, ce n’est pas que ce soit plus facile, loin de là, mais l’esprit fonctionne différemment, il s’adapte. Le merle et le coucou sont encore endormis, sous les arbres, jeunes ou vieux.

 

Dans un cas comme dans l’autre, il n’y a plus qu’à regarder. Alors peut-être il sera possible d’abolir l’absence inattendue (et de se sentir, pour un instant d’une longueur incalculable, dans la temporalité d’un délicieux hors sujet).

 

Il est déjà tard ? Peu importe. C’est court, et pourtant c’est long. M’illusionnerais-je, ce n’est qu’un voyage ; mais il me semble qu’il pourrait être moderne.

Texte et photos Dominique Autrou