
Photo Marie-Christine Grimard
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Branches dénudées
En livrée d’hiver givrées
Brillent en matinée
Photo Marie-Christine Grimard
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Branches dénudées
En livrée d’hiver givrées
Brillent en matinée
« Vive en pleine conscience, ralentir son pas, goûter à chaque seconde et chaque respiration. Cela suffit. »
Thich Nhat Hanh
Photo Marie-Christine Grimard
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Marcher le nez en l’air
Oublier l’été qui s’achève
Apprécier l’instant de douceur
Et la caresse du temps
Sur les écorces blondes
Le souffle du vent
Sur les bouquets d’épines
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Vidéo m Christine Grimard
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Rester là
Pour admirer la cascade
Des gouttes de soleil
Sur les troncs burinés
Histoire de se souvenir
De la beauté de la terre
Et de mon insignifiance
Pour ceux qui auraient envie de relire le poème que j’avais écrit pour la ronde de septembre …
Venez danser avec moi autour de l’arbre !
ARBRE DE VIE / ARBRE D’OUBLI / ESPOIR
Photo m ch Grimard
…
Auprès de toi, l’air est plus doux
Rêver de ce qui pourrait être
Bercé dans l’ombre de tes branches
Redevenir un jeune enfant
En écoutant l’oiseau chanter
…
Dans l’espoir fou de la jeunesse
Errant dans l’éternel printemps
…
Vivre sans décompter son temps
Impatient de ce qui sera
Empreint d’un espoir inconscient
…
Photo m ch Grimard
Avoir tout le temps devant soi
Reprendre un peu de jours heureux
Boire à la coupe des plaisirs
Refuser de voir les nuages
Et décider que tout est beau
…
Derrière soi, laisser les maux
…
Oublier ceux qui passent et lassent
Un jour amis, un jour tueurs
Bénir les nuits où la vie danse
Laisser passer les jours d’horreur
Indifférent aux importuns
…
Photo m ch Grimard
…
Et quand le dernier jour viendra
Se retourner sur son chemin
Penser, sans regret ni remords
Oser écrire en souriant
Il faisait très bon ici-bas
Reviendrai-je sous ces branchages …
……….… où j’ai vécu et tant aimé
…
Texte et photos : M. Christine Grimard
Ronde du 15 septembre 2018 autour de l’arbre.
Entrons dans cette nouvelle ronde dont je vous rappelle le principe retranscrit ici depuis le blog de Dominique Autrou:
«La ronde est un échange périodique bimestriel de blog à blog sous forme de boucle, sur une idée d’Hélène Verdier, le promeneur, quotiriens et Dominique Autrou à l’automne 2012. Le premier écrit chez le deuxième, qui écrit chez le troisième, et ainsi de suite. Pour chaque échange, un thème, un simple mot. Prétexte à un travail d’écriture pouvant prendre la forme d’un récit, une fiction, un poème, une page de carnet…»
Selon l’ordre de cette ronde, je publie mon texte chez Dominique et j’ai le plaisir de recevoir celui de Giovanni .
Merci à eux deux, merci à tous ceux qui font la ronde , dont le thème est : «Arbre».
La ronde tourne cette fois-ci dans le sens suivant, par ordre du tirage au sort (un clic sur le lien de son blog libère le nom de l’auteur) :
« Abruptement, l’arbre rêvé m’abrite… »
Est-ce que je vivais vraiment heureux auprès de mon arbre ? Vivais-je pour de bon, avec mes confrères et compatriotes d’un monde prétendu meilleur, dans un véritable paradis terrestre ?
Est-il juste et généreux, envers les nouvelles générations et tous ceux qui en sont concernés, de fermer les yeux pour ne pas voir les erreurs et les horreurs de l’actualité et se réfugier dans la nostalgie d’un passé désormais révolu, s’obstinant à le juger coûte que coûte propice à l’insouciance de belles espérances ?
Je ne crois pas que ce soit juste de prétendre trop, lorsqu’on se rend au pied de l’arbre de la vie pour y rechercher quelques fruits comestibles ainsi que quelques traces du passage d’êtres sages et civilisés qui s’occuperont de nous au moment de notre trépas.
Il n’y aura jamais de paradis sur terre, parce que la terre ne nous appartient que provisoirement, toute revendication de propriété s’accrochant en fait moins à un droit qu’à un privilège… tandis que l’arbre du Bien et du Mal ne cessera jamais d’agiter ses branches immenses comme autant de doigts levés en signe de reproche pour nos inépuisables faiblesses.
Aucun paradis, alors. Cependant, puisque les arbres existent et, malgré tout, résistent, nous n’allons pas non plus plonger dans l’enfer, pour l’instant !
Toutes les fois que j’emprunte rue de la Fidélité pour me rendre rue de Paradis — où je trouve, sinon une oasis de paix, un peu de calme par rapport au tourbillon des voix et des corps que j’entends défiler dans les rues adjacentes — je rattrape quelques-unes de mes rêveries perdues.
Contrairement à Jean-Jacques, je me promène sur des planches incohérentes au milieu d’un paysage de pierre et goudron et c’est tout à fait logique que la rue de Paradis soit presque totalement dépourvue d’arbres… Cependant, de ces décors aux infinies nuances du blanc et du gris, jaillit toujours la plante encourageante et colorée d’un arbre hardi et prolifique, prêt à m’offrir un toit et un lit :
« Abruptement, l’arbre rêvé m’abrite
M’offrant gratuitement un confortable gîte. »
Étendu là-dessous, je n’aurai pas peur de la foudre ni de la pomme empoisonnée qui pourrait tomber brusquement sur ma tête.
D’ailleurs, j’ai toujours été un rat de ville, habitué dès la plus tendre enfance à me rendre par d’allègres traversées dans les rares jardins que les rois et les reines avaient bâtis pour leur propre plaisir. Et je me rends avec dévotion et reconnaissance dans les grands ou petits squares que le baron Haussmann a eu la gentillesse d’offrir aux Parisiens pour se faire pardonner ses brutales (ô combien clairvoyantes) destructions. Dans mon vocabulaire citoyen, le mot « boulevard » (« viale », en Italie) a toujours représenté, rien qu’à le prononcer, une promesse de liberté pour les poumons et les yeux. Encore plus suggestives, dans le souvenir enfantin ce sont les enfilades d’arbres séculaires qui bordent les fleuves et les doubles rangées d’arbres au tronc peint en blanc qui accompagnent les routes principales hors de la ville…
Pourtant, les arbres qui résistaient à la pollution dans la ville de Rome, tout comme leurs confrères qui embellissaient ses routes aux noms élégants (Aurelia, Cassia, Flaminia, Salaria, Tiburtina, Appia…) n’étaient pour moi que des témoins de la nature, des ambassadeurs pris au piège faisant un jour partie d’un immense royaume caché ou peu connu.
pinède de Belsito
Né à dix minutes de la célèbre Villa Borghese, j’ai habité dans une périphérie sans arbres, me voyant obligé de me contenter des grandes ombrelles des pins de viale delle Medaglie d’oro ou alors de la petite pinède autour du fort Trionfale tout en haut : juste un échantillon — où j’ai découvert plus tard des endroits « panoramiques » tout à fait inattendus — par rapport à la glorieuse pinède de Ravenne ou à celle que Giuseppe Garibaldi récréa dans son île de Caprera…
L’image du « héros de deux mondes » qui s’efface dans son exil travailleur et plante un à un les pins d’une immense pinède, évoque forcément le berger Elzéard Bouffierle de Jean Giono, cet homme qui consacrait tout son temps et même son désir de communiquer avec les autres à cette course contre le temps de redonner les arbres à la terre qui en avait été privée…
Cela a été une initiative de Jean-Lou Guérin, patron des mardis littéraires au café de la Mairie de la place Saint-Sulpice, celle de faire poser l’inscription ci-dessus dans la terrasse du café que Georges Perec avait intensément fréquenté en octobre 1974 (1)
Place G org s P r c
Par une simple association d’idées, je cours de ces jours, avec esprit reconnaissant, à un homme qui « plantait les livres », œuvrant de toutes ses forces pour que la parole écrite circule et sème la plante la plus indispensable à la vie, celle de la culture contre les ravages de l’ignorance : Jean Lou Guérin, animateur de nombreux ateliers d’écriture en France et passeur de littérature contemporaine, décédé en juillet à l’âge de 80 ans, avait consacré les vingt dernières années de sa vie aux mardis littéraires du café de la Mairie place Saint-Sulpice dans le 6e arrondissement. Il s’agissait d’un personnage de roman, comme l’a dit Pierrette Fleutiaux par la voix d’une écrivaine présente mardi dernier à la réunion commémorative : presque complètement effacé, il donnait très généreusement aux autres… Lors de chaque rendez-vous, comme à ce dernier, cette salle à l’étage du café de la Mairie affichait désormais le même air désenchanté et infatigable de son gardien et maître Jean-Lou Guérin : un air décalé et tout à fait indifférent aux attitudes exclusives du monde littéraire parisien.
Ce ne sont pas forcément le temps ni les lois inexorables de la nature qui effacent les traces des bienfaits des êtres humains. Ce sont les humains mêmes les seuls responsables de destructions souvent irréversibles !
Tityre collage
Je suis donc, hélas, un mauvais connaisseur de différentes espèces d’arbres qui peuplent le monde que j’ai portant traversé — en train, en voiture ou à pied — avec des élans d’amour sincère et même d’enthousiasme pour ces êtres gentils et parfois sévères sans lesquels il n’y aurait pas d’aubes ni de couchants à retenir dans notre petite mémoire intime.
Comme je viens de le dire, je connais assez bien les pins, leurs aiguilles et leurs fruits, l’odeur et la saveur intime de leur résine.
Pendant les vacances dans le sud de la Toscane, on m’amenait « au bois ». Il s’agissait d’un vaste bois sombre de châtaigniers, dont j’ai appris à aimer les branches généreuses et les fruits qui devaient attendre l’automne et l’hiver pour être mangés.
En montant vers le sommet du mont Amiata, marqué par une grande croix blanche, on traversait un bois moins épais et impénétrable, rythmé par la noble présence des hêtres…
Je ne connaissais pas encore l’incontournable personnage de Tityre, que Virgile nous décrit confortablement installé au-dessus des frondes d’un hêtre lui offrant un toit. Avec toutes ces commodités, Tityre ne pouvait avoir qu’un esprit rêveur, tandis que son âme se perdait volontiers dans la contemplation des merveilles de la nature :
Tityre, tu patulae recubans sub tegmine fagi,
mollement étendu sous l’ombrage, tu apprends aux forêts
à répéter le nom de la belle Amaryllis… (2)
Plus tard, ayant atteint désormais l’âge adulte, j’ai fréquenté assez régulièrement la montagne que j’ai pendant longtemps préférée à la mer… à ces plages brûlantes où j’avais quelquefois traîné, fauve et maladroit, au milieu de femmes insaisissables et indifférentes. Dans les Dolomites, le roi c’était le sapin, se mariant toujours à des prés moelleux et ondulés où j’aimais me rouler à l’infini…
Oui, bien sûr, même un rat de ville comme moi peut vanter d’infinies expériences de vie ayant un arbre pour complice !
J’ai donc frôlé de la tête des saules pleureurs, j’ai mangé les fleurs des glycines, j’ai profité de l’ombre des amandiers dans le parc-campagne de Villa Ghigi aux portes de Bologne…
Et finalement, j’ai séjourné pendant des années dans une petite villa avec jardin auprès de la mer, à cinquante kilomètres de Rome, où trônait un chêne aux feuilles luxuriantes qui nous faisait cadeau d’une ombre parfaite et constante…
Comme celui du Gianicolo, où Torquato Tasso se rendait en pèlerinage pour s’abstraire un peu de ses obsessions, le chêne de mon beau-père Arnoldo tombait souvent malade… mais chaque été, grâce aux soins incomparables de son propriétaire, il renaissait de ses cendres dans un triomphe de reflets et d’agréables bruissements…
Titiro huile
Malgré ces expériences non abouties et parfois frustrantes, les arbres sont au centre, depuis toujours, d’un monde fantastique que je me suis forgé moi-même, en m’autorisant entre autres une bizarre rêverie : en me faufilant dans le personnage de Virgile, Tityre, endormi au-dessus de larges frondaisons de son hêtre, je rêve de temps en temps à une exploration indiscrète et irrévérencieuse parmi les branches de mon arbre généalogique..
Contre lequel, inévitablement, je ferai naufrage…
Giovanni Merloni
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1) Du 18 au 20 octobre 1974, Georges Perec s’y installe à différentes heures et note tout ce qu’il observe sur la place, attendant l’instant où il n’y aurait plus rien à dire. Cela donne Tentative d’épuisement d’un lieu parisien.
2) Virgile, Les Bucoliques, Églogue I
« L’arbre est un livre ouvert. Le vent en tourne distraitement les pages comme s’il pensait à autre chose. »
Christian Bobin
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Je crois que j’ai dû faire un mauvais rêve.
Ce matin, l’air est chargé une odeur de sciure.
J’aime cette odeur chaude, orangée, musquée, boisée. J’imagine que l’odeur du santal ne doit pas être plus savoureuse, ni celle de l’olivier.
Cette odeur envahit toute la clairière, elle ondule dans le vent du matin, elle tourbillonne autour des fourrés et me revient de plein fouet. Elle me berce de ses effluves dorés.
Je l’aime …
Quel est cet oiseau noir qui me cache le soleil ? Il tourne au zénith entre les cimes des grands pins. Il tournoie lentement suivant une spirale invisible. Il plane puis descend imperceptiblement. Je le suis des yeux, et soudain je le vois piquer vers moi. Il va s’écraser sur mon tronc !
Il s’est posé sur moi, juste sur mon visage, en plein milieu de mon âme.
Ce manque de respect me sidère.
Comment a-t-il pu faire une chose pareille ?
Comment ?
Je crois que j’ai dû faire un mauvais rêve.
Cette seconde où le temps se suspend et où je réalise…
Cette odeur de sciure musquée, boisée, sucrée, c’est celle de mon sang !
Ce silence et ce froid qui m’envahissent !
Je crois que j’ai dû faire un mauvais rêve.
Je n’existe plus. Où sont mes branches et mes feuilles, où est mon écorce ? Ils m’ont écorché vif, m’ont dépecé, m’ont désarticulé. ils m’ont découpé en copeaux. Ils m’ont éviscéré. Ils m’ont amputé, effeuillé, débité. Ils m’ont tué.
Et pourtant, je suis là, écorché à ciel ouvert, étalant mes cernes de croissance sous le soleil qui brûle mes souvenirs. Les enfants des écoles pourront venir étudier la dendrochronologie grâce à mon sacrifice. On leur expliquera qu’au second de mes cercles est morte la troisième république. On leur expliquera que j’ai connu des guerres et des tempêtes mais que rien ne m’avait abattu avant que ce sauvage armé d’une tronçonneuse ne vienne m’assassiner !
Que vais-je devenir ? Qu’ont-ils fait de ma chair ? Qu’ont-ils fait de ma vie ?
En me concentrant un peu, je sais que je peux faire repartir de mon collet, quelques rejets vigoureux, et que si je le fais discrètement en les prolongeant un peu sous l’ombre du grand chêne, ils ne les verront que quand il sera trop tard pour les arracher. Il faut que je me concentre. Il faut que je survive à cette espèce sauvage et sans scrupule qui veut se rendre maîtresse de ce monde. Si personne ne résiste ils auront bientôt tout détruit.
« Toi la corneille qui m’écrase le nez sans vergogne, va prévenir les autres. Vole au-dessus des collines et des futaies, dis-leur ce qu’ils m’ont fait ! »
Mais je m’épuise à crier ainsi, il faut que j’économise les forces qui me restent ou je pourrirai lamentablement au prochain hiver.
Le pire je crois, ce n’est pas de ne plus sentir le soleil réchauffer mon écorce ni le vent jouer dans mes feuilles, le pire c’est de ne pas connaître le sort de ma chair. Que feront-t-ils de moi ?
J’aimerais qu’un bûcheron barbu sculpte le visage de sa bien-aimée dans mon tronc, et qu’il passe le reste de sa vie à me contempler.
J’aimerais que mes planches servent de support aux cordes d’un piano et passer le reste de ma vie à jouer Mozart ou Satie.
J’aimerais finir en cabine de plage et entendre le ressac venir lécher mes orteils aux marées d’équinoxe.
J’aimerais que le sommet de mon tronc soit choisi pour compléter le mas de ce navire qui emmène les enfants des villes apprendre la mer.
J’aimerais que mes branches finissent en pied de lampe pour que j’éclaire la page du poète qui écrira mon histoire.
J’aimerais …
Après tout que me reste-t-il d’autre que le droit de rêver à toutes les vies que la providence voudra bien donner à la chair de ma chair ?
Que m’ont-ils laissé d’autre que mes rêves ?
Je crois que j’ai dû faire un mauvais rêve…