« Les esprits analytiques ne voient pratiquement que les défauts : plus la lentille est forte, plus imparfait nous apparaît l’objet observé. Le détail est toujours fâcheux. »
Fernando Pessoa
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Parfois certains jours sont sans intérêt.
En avançant le long de la voie ferrée dans la grisaille du petit matin, elle se demande ce qu’elle fait là. Elle sait d’avance que ce ne sera pas le meilleur moment de la journée.
Elle ajuste son écharpe et remonte le col de son manteau, histoire de bloquer ce courant d’air glacé qui s’engouffre le long de son dos.
Un vélo la double dans le brouillard, elle l’entend s’éloigner dans un grincement de chaîne rouillée. Elle préfère encore être à pied, avec ce verglas, c’est un jour à déraper devant le capot d’une voiture.
Il ne manquerait plus que cela.
Enfin, un petit séjour à l’hôpital avec un pied dans le plâtre, lui permettrait de se reposer un peu. Elle hausse les épaules, honteuse d’avoir des idées pareilles. Elle arrive au bout de l’avenue et traverse sans regarder. À cette heure ci, les voitures sont rares.
Une main attrape son manteau par le col et la tire en arrière au moment où passe une voiture électrique qu’elle n’a pas entendu arriver. Elle tombe en arrière, et se retrouve assise au bord du trottoir. La voiture disparaît au carrefour, le chauffeur semble n’avoir rien vu.
Elle se retourne pour remercier celui qui l’a retenue en lui évitant un choc fatal.
Il n’y a personne. La rue est vide et silencieuse.
Elle se retourne, se demandant si elle n’a pas rêvé.
Derrière elle, le soleil se lève, faisant briller la clôture qui longe la gare. Elle s’approche des buissons qui lui cachent la voie ferrée. Les arbustes sont décharnés par l’hiver. Seuls quelques fils d’argent ondulent dans la brise, étincelants à jour frisant dans la lumière pâle du petit matin. On dirait des guirlandes de Noël. En les regardant, elle se retrouve trente ans auparavant, demandant à sa mère pourquoi il y avait des pompons dorés dans les buissons autour de leur maison.
« Ce sont les fées qui tissent des fleurs d’hiver pour remplacer celles que l’été a emporté avec lui. Lui dit sa mère. Ainsi les oiseaux trouvent encore de quoi manger quand il fait froid. Du moins, c’est ce que me racontait ma grand-mère.
En fait, moi je pense que ce sont les cheveux que les anges-gardiens ont perdu en s’envolant le matin après avoir veillé sur nous toute la nuit. Une fois, j’en ai vu un en me réveillant, le jour où la tempête avait fait tomber le grand cèdre à quelques centimètre de la maison. Je m’en souviendrai toute la vie tant il était beau ! »
Elle se souvient du regard émerveillé de sa mère lui racontant cette histoire.
Comment à-t -elle pu oublier ça ?
Elle s’approche de la clôture pour poser la main sur un des fils d’argent. Il tombe en poussière sous la chaleur de ses doigts. Un rire cristallin raisonne au-dessus de sa tête sorti de nulle part. Elle recule, un peu effrayée.
Sur la voie ferrée en contre-bas, arrive le TER de 7h 30. Si elle ne se dépêche pas, elle va rater son train. Elle descend les marches menant aux quais en courant, et monte dans le wagon juste au moment où les portes se ferment.
Il n’aurait plus manqué qu’elle rate son train après avoir failli se faire écraser. Quelle journée !
Au moment où le train démarre, elle lève les yeux vers la rue où elle se trouvait quelques minutes auparavant. Le vent fait onduler les cheveux d’anges du buisson, en douceur, comme si une main les effleurait. Un sentiment d’harmonie et de sérénité l’envahit.
Elle reste pétrifiée. Derrière l’ombre du buisson, le soleil dessine une silhouette lumineuse qui semble agiter le bras en guise d’au-revoir…
et elle a redécouvert l’émerveillement
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Merci Brigitte !
Lorsque la lumière revient elle crée parfois des surprises à ne pas rater 🙂
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Un très joli texte, peut-être onirique ? Ça fait du bien de te lire au petit matin 💙💙💙
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Merci christian 🙏🏻 qui sait d’où viennent les textes, d’une impression, d’un trait de lumière posé sur une fleur d’hiver, d’un souvenir …
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Comme un écho. .Merci de si bien l’exprimer
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Merci beaucoup Arlette, je suis ravie de vous voir sur cette page 😊
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Une lecture matinale agréable.
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Merci beaucoup, et bonne matinée à vous 😊
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Merci pour ce beau texte. J’y ai retrouvé mon âme d’enfant devant la magie de la nature. Cela fait du bien!
Bonne journée
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Merci beaucoup de votre visite ici et de ces paroles agréables à lire. Heureuse que ce texte vous fasse du bien 😉
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Une histoire de quotidien où le fantastique prend le train (qui fait plus de bruit, quand il roule, qu’une voiture électrique) et nous avec ! 🙂
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Merci !
Parfois les trains roulent encore.
Surtout dans les rêves.
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L’enfer du petit matin en hiver pour les travailleurs…tout-à-fait cela ! Avec en plus, ces stupides et coûteuses voitures électriques que l’on n’entend pas venir, qui seront la source de nombreux accidents…
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Merci Alex.
Sortir dans la nuit pour partir travailler quand tout le monde dort encore, est toujours difficile. Il faut prendre son élan et plonger dans le froid en retenant son souffle. J’avoue que certains matins on préférerait rester au chaud sous la couette.
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Il y a dans notre quotidien mille petites choses derrière lesquelles se cachent les vraies histoires de nos vies. Il faut juste ouvrir son cœur autant que ses yeux. Franchir ces frontières ténues nous rapproche de nous même et du sens. J’aime vos histoires pour ces raisons.
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Merci d’aimer mes petites histoires 🙏🏻Les détails mis bout à bout construisent notre vie. Tout le monde n’est pas capable de les voir et surtout de les apprécier. Surtout les détails qui éclairent nos jours !
Maintenant, on vit dans une société où certains détails sont montés en épingle, sous forme d’os à ronger, et qui prennent toute la place. Un clou chasse l’autre. Tous les jours une autre polémique à propos de choses insignifiantes qui seront oubliées le lendemain. Par contre, se recentrer sur les choses importantes, pour ceux que l’on aime, n’est pas à la portée de tout le monde.
Vous êtes de ceux qui gardent l’œil sur l’essentiel.
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La disparition de ma fille alors que je venais tout juste de la mettre au monde à modifié à jamais ma vision des choses. Quoi qu’il puisse m’arriver ensuite, je ne pouvais que me dire : j’ai vécu le pire. Une phrase que j’ai lu quelque part correspond à ce que je veux être : le sage est celui qui sourit de tout. Alors l’esprit s’ouvre aux choses invisibles qui sont pourtant là dans un léger basculement de nos sensations. Un jour peut-être je raconterai des faits surprenants qui ont éclairé ma vie aux moments les plus tristes. Bonne soirée. 😊
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En effet, c’est bien le pire que vous avez vécu. Perdre son enfant est le pire des déchirements. Il fait avoir atteint un degré de sagesse incroyable pour arriver à sourire de tout et surtout d’un deuil majeur comme celui-là. Je lirai avec grande attention voûtée récit de ces faits surprenants dont vous parlez. J’en ai vécu quelques-uns moi-même, les signes qui se posent sur notre chemin nous aident à le poursuivre plus légers.
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Le brouillard et les routes verglacées je connais cela surtout de bonne heure le matin . J’ai beaucoup apprécié ce texte. Bonne journée à vous
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Grand merci Georges !
Dans votre région, la glace et le verglas ne se laissent pas oublier. Prenez soin de vous sur la route 🙂
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Un beau texte où (je ne fais ici que redire ce qui est écrit plus haut) une petite pincée de fantastique rend le quotidien lumineux et lui donne comme une dimension supplémentaire.
J’aime beaucoup ce conte où l’adulte retrouve, grâce à l’/par accident des parcelles d’enfances figées en lui.
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[Le long des voies ferrées, particulièrement là où plusieurs voies se rejoignent en étoile, et où il est impossible aux promoteurs intéressés/avides d’envisager des construction, se trouvent souvent une faune et une flore merveilleuse (et troublante, un peu à la manière des films de Tarkovski)
Ce sont parfois les seuls lieux de « verdure » disponibles dans certaines zones sur-urbanisées.]
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Merci beaucoup Luc !
Tu as raison, les zones urbaines en friche sont parfois plus riches en biodiversité que certains champs où pas une mauvaise herbe ne dépasse…
Je connais bien le lieu que je décris ici, où il pousse des iris sauvage en mai et des campanules sauvages aussi.
J’ai laissé couler le fil d’argent de l’histoire hier soir, en écoutant sans doute mes souvenirs d’enfance et l’ai regardée se dérouler devant mes yeux jusqu’à ce que le train l’emporte.
Merci de l’avoir appréciée si gentiment. 🙂
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