Variations et vibrations : le manque. 

« On peut donner bien des choses à ceux que l’on aime. Des paroles, un repos, du plaisir.

Tu m’as donné le plus précieux de tout: le manque.

Il m’était impossible de me passer de toi, même quand je te voyais tu me manquais encore.

Ma maison mentale, ma maison de cœur était fermée à double tour.

Tu as cassé les vitres et depuis l’air s’y engouffre, le glacé, le brûlant, et toutes sortes de clartés. »

Christian Bobin

(La plus que vive)

Photo m.christine grimard

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Le manque. Le plus beau cadeau que l’on puisse offrir à ceux que l’on aime. L’occasion de se poser et de penser à l’autre.
L’occasion de penser à soi. De faire silence pour écouter vibrer son âme dans la fraîcheur du petit matin.

D’oublier le vacarme et la fureur pour se recentrer sur l’essentiel.

Quelle est cette quête permanente, ces besoins perpétuellement insatisfaits ? Pourquoi et de quoi le monde est-il insatiable ?

Quel est ce besoin d’exister seulement dans le regard des autres ?

Quel est ce besoin d’écraser l’autre pour mieux exister ?

Toujours plus haut, toujours plus fort.

Toujours plus vite.

Moi d’abord ! Il me faut tout, tout de suite ! Regardez-moi ! Répondez-moi !

Réagir plus vite que son ombre, répondre à toutes les sollicitations si possible sans réfléchir, à l’instinct, sur l’instant. Dans l’urgence permanente.

Être sur tous les fronts, de toutes les urgences, de tous les combats, suivre toutes les modes ou mieux les précéder, les initier ! S’acharner sur la dernière trouvaille médiatique et hurler avec les loups sans se poser de question, du moment qu’on est dans l’air du temps. Ne plus voir que l’on est manipulé, que l’on n’est qu’une marionnette parmi d’autres.

Donner de soi l’image qui vous flatte, se regarder dans le miroir de ses propres « selfies », exister seulement dans le portrait que l’autre se fait de vous. Etre tel que l’on vous imagine. Ressembler à ses « tweets » ou finir par croire que l’image que l’on dessine du bout des doigts, est plus vraie que nature.

Oublier qui l’on est derrière l’image que l’on donne de soi.

Se perdre dans l’illusion d’un monde factice.

Se suivre à la trace. Laisser ses empreintes partout pour avoir l’illusion de vivre.

Il est temps de couper les ficelles de la marionnette. Il est temps d’être de nouveau.

Je veux exister pour ce que je suis, et non pour ce que l’on imagine de moi. Je veux laisser le temps au temps qui me porte. Je veux être imparfaite et différente, rebelle et libre  de mes choix. Je veux assumer mes erreurs et mes succès, tranquillement, et m’appuyer sur eux pour aller plus loin sur le chemin de ma vie.

Je veux apprendre chaque jour quelque chose de quelqu’un. Je veux être utile chaque jour pour quelqu’un. Je veux m’oublier pour l’aider. Je veux donner plutôt que prendre. Je veux aimer chaque jour de ma vie et pouvoir en sourire chaque nuit.

Je veux avoir le temps d’exister, sentir le soleil glisser sur mon visage et la vie couler sur ma peau. Je veux croiser ton regard et goûter à ton souffle. Je veux entendre battre ton cœur dans le silence de la nuit. Je veux caresser ton regard et le laisser m’envelopper de sa douceur.

Je veux qu’aux petits matins frais, la vie qui me saute au visage, soit chaque jour un nouvel enchantement.

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Photo mcgrimard

41 réflexions sur “Variations et vibrations : le manque. 

  1. Beau texte qui dépeint exactement ce que ressent une femme, lorsqu’elle se retrouve veuve, sans enfants, seule à la maison. Exister tout court,
    Superbe photo.

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    • Merci beaucoup Alex d’avoir ressenti ce que ce texte évoquait, le manque brutal, la solitude et la nécessité de rebondir pour se retrouver. Le texte de Christian Bobin est riche de mots si puissants à ce sujet, qu’ils me retournent le cœur…

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  2. je veux tout cela avec vous… 🙂

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  3. @ Chris : certains êtres n’ont jamais connu aucune forme d’amour – l’égoïsme leur a carapaçonné le coeur – alors ils font semblant – la société les appellent des cyniques –

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    • Vous avez raison chère Alex et je les plains beaucoup. Parfois, mieux vaut-il souffrir du manque de ceux que l’on aime, que se contenter de la tranquillité factice de la froideur d’un cœur de robot.
      Cependant, Je crois que tous les humains sont sensibles et fragiles d’un point de vue affectif même si certains essayent de se le cacher.
      Je plains les cyniques qui n’ont que leurs mauvais sentiments pour se réchauffer aux temps difficiles. La bile laisse toujours un goût amer au fond de l’âme.

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  4. Heureusement, dans un sens, les cyniques ne sont pas légions ! On les constate souvent dans les prisons, puisqu’ils peuvent maltraiter et tuer sans état d’âme. Ou alors plus subtilement en politique, comme aujourd’hui avec les instigateurs du terrorisme.

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    • JE crois qu’ils sont plus nombreux que l’on ne pense. Les réseaux sociaux en sont pleins, qui insultent dans tous les sens derrière leur écran untel ou un autre, j’en ai la nausée, surtout en cette période de folie totale, électorale et mondiale.

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  5. Vraiment excellent. Félicitations

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  6. Ce texte magnifique laisse perplexe. Qui sommes-nous ? Où allons nous ? Qui voulons nous être ? Autant de réflexions, où il m’est bien difficile de répondre. Il est si facile de critiquer la société, car c’est bien nous qui sommes partie-prenante de celle-ci. En ce qui me concerne directement, je dirais que le temps m’a dévoré, je voulais faire tant de choses, j’en ai fait quelques unes, mais que représentent-elles finalement. Bien peu de choses au regard de notre humanité, c’est si infinitésimal. Ma source de vie à moi c’est ma fille qui m’émerveille chaque jour, et qui m’aide à vivre à 8000 km de distance. Alors comme j’ai de l’énergie dans tout ce que j’entreprends, je cours jusqu’à l’épuisement parfois jusqu’à 100 km ou plus encore. Comme nous sommes loin de votre si belle réflexion. Merci à vous Marie-Christine.

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    • Merci à vous Albert de venir partager vos réflexions avec moi, les points de vue de chacun nous font tous avancer…
      Je pensais simplement à recentrer ma vie sur ce qui est le plus important et à ne plus me laisser parasiter par le monceau d’informations dont on nous abreuve. Sur les réseaux sociaux, twitter en particulier, Je me sens envahie d’informations négatives. La curée à laquelle on assiste en cette période présidentielle, me donne la nausée. J’imagine tous ces gens qui injurient les autres sous prétexte d’humour, bien protégés derrière leurs écrans, qui n’oseraient pas regarder les gens qu’ils injurient dans les yeux pour leur dire la même chose. Une armée de lâches ….
      Même si c’est le jeu politique, et que certains « le méritent « , le spectacle de la bassesse humaine me rend malheureuse.
      Je fais partie de cette société, c’est ce qui m’inquiète le plus ! Je ne veux pas être cE genre de monstre qui dénigre et se moque, jE veux être de ceux qui construisent et qui aident les autres à avancer.
      On a toujours le choix, celui des Gandhi, des Lucie Aubrac, des Martin Luther King, celui de la paix et du respect que l’on doit aux autres, quelque soit leur appartenance.
      Merci Albert pour votre présence amicale 🙂

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  7. Excusez moi pour les fautes et liaisons grammaticales .

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  8. Merci toujours un plaisir de vous lire je retrouve le sens de la vie pouvoir existé sans le regard des autres le texte de Christian Bobin est bien choisie la photo superbe

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  9. Monique Andrisson

    Merci j,espère que mon commentaire est passé superbe

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  10. Ce texte est magnifique et les photos superbes…bonne fin de journée

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  11. Oui, il faut toujours rebondir, même quand tout semble se fermer, même quand le ressort est sur le point de casser. Rebondir pour vivre, regarder, aimer, jouer, chanter, parler, écrire, créer, sentir et toujours penser…

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  12. Frédéric Valade

    Que de mots justes….Merveilleuse pertinence…Merci pour ces partages.
    Frédéric.

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  13. Texte très fort.
    Le manque nous rappelle peut-être à être présent. … À être présent dans son Être 😊
    Encore une forte dualité : présence et manque.
    J’ai adoré ce texte. Merci pour ce partage.
    Bon week-end

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  14. […] ses mots, ses images, son univers… Je publie ici avec son accord textes et photos de Marie-Christine Grimard publiés sur son site le 19 mars dernier. Merci encore à toi, Chris […]

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  15. Merci pour ce texte , cette nouvelle qui m’a renvoyée l’image de moi-même, mon égo, sa des-errance , l’usage numérique des réseaux sociaux. Narcissisme ou échange , certes les deux à la fois avec cette tentation de basculer rapidement dans l’autosatisfaction .. Oui tout cela je le partage, mais le plus beau sentiment que je n’avais jamais su formuler jusqu’à la rencontre de votre texte,
     »Tu m’as donné le plus beau signe d’amour..le manque.. »
    Merci.
    Ma doudou est partie après une greffe cardiaque, femme avec un cœur immense, joueuse, joyeuse, femme debout jusqu’au bout, elle m avait toujours dit qu’ après il n y avait rien, les seuls signes physiques qui me reviennent de temps à autre c’est sa mémoire numérique, Facebook qui entretient la mémoire des vivants quand ceux ci ne peuvent plus mémoriser, atteints d’infobésite, parfois elle intervient dans ma vie et elle me fait rire dans des situations qu’elle aurait aimées, ou me rappeler à la raison quand je me jette à corps perdu dans le travail pour chasser mon corps d’être encore vivant et pas elle, mais décrire le manque, ce manque qui vous tord les boyaux à en vomir, cruel, sournois, cette affection que vous ne pouvez plus lui donner, votre déclaration madame, le manque comme un acte d’amour, comme un signe d’amour perpétuel, intemporel, un messager d’amour entre les rives de ce fleuve qui nous sépare, je vous remercie de me l’avoir révélé.
    J’adore votre plume aussi, et donner un sens à la vie comme vous le faites à instiller dans mon moi intérieur une envie de rompre avec la fuite en avant et laisser les émotions jaillir. Merci madame, continuez, votre expression poétique et sentimentale.
    Au plaisir de vous relire,
    René

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    • Je vous remercie du témoignage poignant que vous partagez ici avec nous. Cela me touche. Votre amour est bien vivant qui a pris d’autres formes. Le support de notre mémoire est infini, petits bouts de papiers griffonnés, photo, film, messages sur un répondeur, pages Facebook… peu importe, ce ne sont que des aides au souvenir. Mais ce qui reste vivant c’est l’amour donné. Les « coïncidences » que vous notez dans votre vie vous rappellent sa présence er vous dites « parfois elle intervient dans ma vie », c’est une évidence pour qui a aimé, l’amour ne meurt jamais. Le manque prend le masque de l’absence physique mais quelqu’un ne disparaît jamais aussi longtemps que l’on pense à lui. Mes pensées vous accompagnent…

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  16. Monique Andrisson

    Bonjour je n arrive plus à avoir promenade en ailleurs

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  17. Monique Andrisson

    Je me suis trompé de message mais avant j étais contente de lire promenade en ailleurs plus possible

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