« Ce que j’appelle réfléchir :
je dévisse ma tête,
je la mets sur une étagère et je sors faire une promenade.
A mon retour, la tête est allumée.
La promenade dure une heure ou un an. »
Christian Bobin
(La grande vie)
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Photo M Ch Grimard
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Comme Christian Bobin, je suis une adepte des promenades, dans les prés, dans les bois, sur les plages en hiver, sur la lande, dans les livres aussi.
Souvent en marchant, me viennent des phrases, des histoires, il suffit de regarder autour de soi pour que l’inspiration vous saute à la gorge. En rentrant, il faut laisser décanter et puis saisir les mots avant qu’ils ne s’envolent. Ne pas laisser retomber l’écume…
Lorsque je lis Christian Bobin, j’entends ses mots germer dans mon esprit comme si je les avais pensés.
Évidemment, je n’ai pas l’outrecuidance de croire que je pourrais écrire comme lui. Mais je ressens ce qu’il écrit comme né de ma propre sensibilité. Prendre un de ses livres et l’ouvrir à n’importe quelle page, est souvent un des moyens que j’utilise pour m’apaiser.
Chaque phrase est surprenante et pourtant elle prend pied au plus profond de la réalité. Ce paradoxe me surprend à chaque fois que j’ouvre une de ses pages. Je saisis sa phrase et la fais tourner comme je le ferais d’un bonbon au miel autour de ma langue.
La poésie se nourrit de cela, nul besoin de phrases redondantes et incompréhensibles si chères à certains auteurs. Je ne vois pas l’intérêt d’écrire ce que personne ne comprend. Il suffit de laisser couler les mots au fond de son âme, comme on sirote un bon vin.
La poésie, ce sont des mots qui caressent, aussi sensuellement qu’une main glissant au creux des reins.
Je suis une primaire, bêtement sensible à la musique des mots de tous les jours comme à la chaleur qui court dans mes veines.
J’ai besoin, en refermant le livre, de sentir encore le frisson des phrases couler sous ma peau.
Ce rapport charnel aux écrits, je le revendique et le cultive.
J’espère qu’au dernier matin, j’aurai gardé un cerveau capable de l’aimer encore.
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Magnifique et très juste…. Merci!
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Merci beaucoup Noelle pour votre visite et ces mots !
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Oui, la poésie n’est pas assimilable à l’ésotérisme. Et surtout ne pas oublier de se revisser la tête après la marche salvatrice ! 🙂
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Parfois c’est plus confortable de ne pas la revisser tout de suite… 🙂
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Quand j’avais onze ans, je ne pouvais me déplacer sans mon Victor Hugo en poche. Je lisais et récitait à voix presque haute, éclairant ainsi le trajet fastidieux de l’école à la maison.
Chateaubriand, Lamartine, Vigny, Beaudelaire, Nerval, etc…ont des rythmes qui convenaient parfaitement à la marche…mais on ne marche plus !
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Merci chère Alex de ce témoignage qui nous montre que votre sens poétique et ancré très profondément dans votre enfance ! Tous ces poètes sont nos racines et nos références.
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Je suis également un adepte de la marche en forêt et en montagne et je trouve que cela fait du bien pour le moral….très joli ton billet du jour…bon week-end. Pensées amicales.
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Cela vide la tête !
Merci pour la photo Georges et bon week-end également. Amitiés 😉
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Quel bel éloge de la poésie et des douceurs de leur lecture !
Je n’ai lu qu’un livre de Christian Bobin (La dame blanche en référence à Emiliy Dickinson recluse toute sa vie dans ses mots). Vous me donnez envie d’approfondir cet auteur. Merci.
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Je suis ravie que vous découvriez cet auteur plus avant ! Merci à vous 😉
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Sur ce trajet maison-lycée, que je préférais prendre à pied, il y avait une grande librairie, aujourd’hui évidemment disparue et remplacée par un n’importe quoi, qui étalait généreusement des rayons et des boîtes de livres sur le trottoir de l’avenue du Maine ; ce qui permettait à mes 10 ans émerveillés et assoiffés, de découvrir toutes sortes d’auteurs et d’éditeurs. Que je me promettais d’acheter dès que j’aurais réuni 100 sous, ou de trouver en bibliothèque.
Ma mère me grondait, elle trouvait que je rentrais trop tard de l’école.
À propos de librairie, j’avais 4 ou 5 ans, sa devanture m’émerveillait là encore, en particulier avec des images du film de Blanche-Neige, qu’on voulait bien m’acheter et que je collais ensuite autour de mon petit lit. J’en rêve encore quelquefois la nuit.
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J’aime beaucoup votre manière de nous faire profiter de vos souvenirs d’enfance et de votre relation avec la littérature ou la peinture, ici, chère Alex !
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L’ésotérisme des mots : depuis l’ordinateur, l’usage du dictionnaire à portée de main et consultable à tout propos a disparu.
Or, le dictionnaire donnait l’étymologie du mot – ce qui permettait de comprendre son sens premier – et son évolution à travers les siècles, et parfois les millénaires.
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@ Alex : on peut quand même trouver l’étymologie des mots sur Internet (puisqu’on y trouve tout) mais certaines chères habitudes se maintiennent en parallèle… 🙂
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« Il suffit de laisser couler les mots au fond de son âme, comme on sirote un bon vin. »
……..
« sensible à la musique des mots de tous les jours comme à la chaleur qui court dans mes veines.
J’ai besoin, en refermant le livre, de sentir encore le frisson des phrases couler sous ma peau. »
Je suis très admiratif de ce que vous écrivez .Je vous remercie de nous faire partager vos sentiments .
C’est très instructif et enrichissant sur notre devenir à nous curieux de la vie .Merci
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Merci beaucoup Albert d’apprécier mes tournures de phrases et mes idées également 🙂
Et surtout de le dire ici aussi gentiment !
Merci à vous et bon week-end.
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