Ateliers d’écriture de François Bon : La route rouge de Rimbaud

Voici mon cinquième texte écrit dans le cadre des ateliers de l’été 2016 de François Bon, intitulé « la route rouge de Rimbaud », en suivant le lien vous pourrez lire toutes les contributions parues sur  « le tiers livre ».

 

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Photo M.Christine Grimard

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Le jardin s’étire au soleil d’un bel après-midi d’été. La mère, un chapeau de paille tressée tombant sur le front, met un panier d’osier dans la main de sa fillette. Elles sortent au moment où l’ombre des peupliers s’allonge. Un parfum de jasmin baigne l’espace entre les murs.

Dans quelques semaines, la vie reprendra sa routine avec l’automne, mais il reste de belles soirées de liberté à partager.

L’enfant sourit aux papillons qui valsent dans la lumière.

Au fond de la vallée, les blés mûrs ondulent sous la brise fraîche du soir mais la chaleur est encore pesante. L’enfant regarde la jupe de sa mère qui danse à chacun de ses pas. Le crêpe blanc parsemé de pois bleus est plus léger que les ailes des papillons.

Les châtaigniers recroquevillent leurs feuilles comme autant de mains qui se tendent dans la touffeur aoûtienne. C’est l’heure où le silence envahit le village parce qu’il fait trop chaud pour parler et que les corps sont épuisés.

Le jardin est clos de murs où grimpent les vrilles de la vigne et les volubilis fripons. Leurs corolles bleuissent entre les feuilles des haricots grimpants et des pois de senteur.

L’enfant tend son panier à la mère qui commence à le remplir de belles tomates écarlates. Elle interrompt son geste, sa tomate à la main, suivant des yeux un papillon bleu qui volète en spirale autour d’un rayon de soleil et se pose dans une fleur de courgette. Elle essayera de se souvenir des couleurs exactes de l’insecte pour en faire une aquarelle en rentrant.

Elle sait que derrière le mur, serpente un long sentier qui descend jusqu’à la rivière, mais le temps semble tourner à l’orage. Il vaudra mieux éviter de s’approcher de l’eau ce soir, les sautes d’humeur du ruisseau étant imprévisibles.

C’est un jour sans importance, un jour où la vie ne l’aura pas surprise.

L’enfant le gardera au fond de son cœur comme un joyau aussi étincelant que l’été. Elle n’oubliera pas les ombres du figuier sur le mur du couchant et l’odeur mêlée de moisi et de pommes du fruitier où elle range les arrosoirs avant de reprendre le chemin de la maison. Elle avance sur les pas de sa mère qui porte les paniers pleins de légumes.

Ce jour-là, les grenouilles de la boutasse lui offrent leur plus belle chanson.

C’est bientôt la fin de l’été, c’est le jour de ses dix ans.

*

10 réflexions sur “Ateliers d’écriture de François Bon : La route rouge de Rimbaud

  1. Plaisir de relire ce texte fin et sensible…

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  2. Je pensais ces jours-ci à mon arrière grand-mère, mince et droite dans ses robes longues et noires de campagne. Elle s’activait dignement dans sa cuisine médiévale, devant une grande cheminée et sur le feu, elle surveillait une marmite où se mitonnait une soupe qui allait se révélait délicieuse.
    Gestes millénaires qu’elle voulait transmettre à son arrière petite fille…

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  3. Courtillot-Moreau

    Très joli texte qui parle du bonheur, de la grâce de l’enfance, de la joie de l’été … Un souffle de poésie qui éclaire notre été car il parle à notre cœur !
    Merciiiiiiii !

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  4. La vie qui va … Tout simplement

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  5. Très joli texte illustré par une superbe photo

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