Voici le texte que le dernier atelier d’écriture de François Bon sur le tiers-livre m’a inspiré.
Il s’agissait de franchir neufs portes en laissant son imagination vagabonder, selon la sensibilité de chacun, en un seul paragraphe dont les seules respirations étaient des points-virgules. Le choix de ce thème était inspiré par l’œuvre de Georges Perec. Il m’a semblé difficile d’être à la hauteur de la tâche et des autres contributeurs habituels, mais j’ai tenté ma chance avec ce petit texte, que François Bon a eu l’indulgence et la gentillesse d’accepter.
Je vous laisse découvrir les autres contributions avec le lien ci-dessus, mais j’ai aimé l’aventure que ce petit garçon m’a racontée et je vous la transmets…
*
La porte du jardin s’ouvre devant un corridor sans fin, il est si petit que sa tête n’atteint même pas la poignée, tant pis, il la laissera ouverte ; la porte de sa chambre est tout en haut de l’escalier, mais ses jambes qui ont trop couru n’accepteront pas de le porter sur tant de marches ; la porte du salon est trop loin, derrière elle son père commente les nouvelles à mesure que le journal lui raconte les guerres du monde, sa voix tonitrue plus fort que les canons qui s’étalent à la une ; la porte de la salle de jeux est si loin, tout au bout du fleuve du corridor où dorment des alligators qui le happeront s’il s’approche de leur cachette ; la porte de la cave claque et son battement cadencé suit les soubresauts de son cœur affolé, la maison est pleine de courants d’air, courses de korrigans, marathons de trolls invisibles qui attendent qu’il se décide à passer pour le dévorer en guise de déjeuner ; la porte de la cuisine est restée entrouverte, laissant passer le fumet de ce que maman a laissé mijoter toute la nuit, aux arômes de cannelles ou de civet, il ne préfère pas choisir et continue sa route ; la porte de la chambre de sa mère ne se ferme jamais pour lui, tout près de la fenêtre elle rêve à l’oiseau qui passe et chantonne cet air si doux qui le berce ; la porte de la salle de bain s’ouvre sur sa sœur qui passe sans le voir, le nez dans un livre tout de noir jaquetté où des yeux de feu le regardent, il se cache dans le placard de l’entrée ; mais la porte du placard qui était la plus vorace sous ses airs de cabinet secret, se referme sur lui et il s’endort sans cannelle et sans civet…
*
Belle idée ; il suffisait d’oser ; les portes sont au rendez-vous ; difficile de s’en passer ; même si elles sont ouvertes 🙂
J’aimeAimé par 1 personne
Merci beaucoup !
L’aventure est au coin de la rue pour chacun de nous ou de son lit pour un tout petit garçon.
J’aimeJ’aime
Excellente idée d’écriture à reprendre ! Merci pour cette belle découverte.
Et puis ce texte est extraordinaire, on s’y croirait tellement il est vivant.
Bravo
J’aimeAimé par 1 personne
Je vous remercie beaucoup de l’avoir apprécié 🙂
J’aimeAimé par 1 personne
semble un petit rat fureteur d’un conte
J’aimeAimé par 1 personne
Les enfants furètent et souvent cela les inquiète 🙂
J’aimeJ’aime
Pour nous faire regarder les portes
d’un oeil capable de percevoir
bien au delà de son bois
Merci
J’aimeAimé par 1 personne
Merci 🙂
Les enfants ont le regard qui porte, et qui intimide souvent !
J’aimeAimé par 1 personne
Ils me traversent toujours
chez eux
c’est un prolongement du sens du toucher (sourire)²
J’aimeAimé par 1 personne
J’ai la même impression mais n’aurais su la décrire aussi bien 😉
J’aimeJ’aime
Joli texte palpitant…ou l’art du suspense, de notre amie Chris !
J’aimeAimé par 1 personne
Merci beaucoup chère Alex !
Vous être toujours si indulgente avec mes petits textes 😉
Je me suis simplement mise dans la peau de ce petit aventurier en herbe !
J’aimeJ’aime
Un tuyau posthume (de cannelle) pour Lewis Caroll qui n’avait pas pensé à casseroler le Lapin Blanc de l’histoire. C’est un peu radical et cruel mais en temps de disette parfaitement compréhensible. 😀 Et puis après tout le cordon littoral atlantique est bleu lui aussi, les talents s’ajoutent.
J’aimeJ’aime
A la place de Lewis, j’aurais volontiers fait un civet de la dame de cœur…
Je n’ai jamais su cuisiner le lapin, probablement par égard à son petit air de peluche.
Par ces temps de disette, la meilleure solution est probablement de devenir végétarien 🙂
Merci de votre passage entre mes portes aujourd’hui !
J’aimeJ’aime
Comme Phil ci-dessus, j’ai songé à Alice au pays des Merveilles (ça vous va bien…) et son fameux lapin que j’adore tellement (le guide…et…le …temps…) Petit, j’avais très peur des portes qui s’ouvraient… brutalement…et aussi des fenêtres d’ailleurs …A présent, j’aime beaucoup les deux devenues symboles de la liberté (surtout la fenêtre avec les oiseaux derrière…! ce qui ne va pas vous étonner…) Vos portes sont ouvertes comme une paume offerte…Tout à fait vous!…Vos courants d’air doivent être…des anges…!
J’aimeAimé par 1 personne
Parfois les enfants savent très bien que certaines portes s’ouvrent pour laisser entrer la peur et la souffrance. Je souhaiterais que tous les enfants n’aient plus jamais peur de ce qui peut se trouver derrière la porte.
J’aimerais que les portes n’ouvrent que sur des jardins pleins d’oiseaux et de fleurs, mais le monde n’est pas un pays des merveilles.
Heureuse que vous ayez appris à espérer le beau derrière les fenêtres, cher Patrick 😉
J’aimeJ’aime