(J’ai écrit ce texte en lisant la proposition numéro 6 de François Bon pour son atelier d’écriture de l’été 2014: « ce que personne ne saura du personnage ». )
Je crains d’être un peu hors sujet, au moins pour la fin…
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L’inconnu du matin ….
Il marche seul tout au bord de ce trottoir. Chaque matin, il est là, regardant le ciel par-dessus les toits, détaillant les façades, examinant les passants. Il semble suivre un itinéraire précis connu de lui seul. Il semble habité par une idée, une seule, unique et belle idée. Il semble perdu dans un monde parallèle. Il avance comme on marche sur un fil, un pied après l’autre, juste sur le bord du trottoir. S’il perdait l’équilibre, il chuterait sous le flot des voitures.
Chaque fois, j’ai envie de le tirer par la manche pour qu’il s’éloigne du danger, pour qu’il revienne dans le droit chemin.
Je le croise quotidiennement en partant travailler. Il m’intrigue, il m’attire, il me fait peur.
La première fois, j’ai croisé son regard. Il était si fort que j’ai été obligé de baisser les yeux. C’était comme une brûlure, comme un ouragan. Le lendemain, quand je l’ai vu tourner au coin de la rue, j’ai traversé, pour ne pas le frôler de trop près. Une peur soudaine m’a envahi, celle d’être emporté dans son tourbillon, celle de perdre mon identité, celle d’oublier ma vie, celle de suivre son chemin.
Petit à petit, l’idée de le suivre a envahi mon esprit. Il fallait que je sache qui il était. Je voulais comprendre où le portait ce regard bleu. Un jour, j’ai attendu qu’il me dépasse, puis je l’ai suivi. Je me suis fait discret, j’ai rasé les murs. Il ne m’a pas remarqué. Il a marché toute la matinée, suivant un itinéraire sans queue ni tête. Puis il est entré dans un immeuble sombre, dont il n’est jamais ressorti jusqu’à la tombée de la nuit. J’ai repris le chemin de mon appartement, frustré, dépité.
Aujourd’hui, je saurai. Je vais l’attendre, et j’oserai lui parler. Je veux comprendre la source de la flamme qui l’habite.
Le voilà !
Il est là, au coin de la rue. Il arrive.
Je lui emboîte le pas. Mes pas résonnent sur les pavés. Les agents de la voirie lavent les trottoirs, à grand renfort de jet d’eau. Le reflet du soleil du matin transforme chaque gouttelette en minuscule arc-en-ciel. C’est magnifique, mais je ne prends pas le temps de les admirer, il ne faut pas que je perde sa trace. Lui, s’est immobilisé, et sourit devant cette lumière. Il a sorti un objet de sa poche, et l’a caché de nouveau avant que j’ai pu voir de quoi il s’agissait. Je me suis reculé tout contre le mur de l’immeuble voisin, et sa main n’était plus dans mon champ de vision. Il reste quelques secondes, puis repart de plus belle, à longues enjambées. Je m’essouffle.
Il tourne au coin de la rue, en direction de la Place de l’Hôtel de Ville. Il a disparu.
Il va être happé par la foule. Je vais le perdre. J’accélère le pas. Je m’essouffle.
Je débouche sur la place. Il n’est plus là.
Des couples se promènent, épaule contre épaule. Des enfants courent en zigzag. Des mères poussent des landaus. Des cyclistes récupèrent leur vélo. Des groupes échangent des plaisanteries. Des rires fusent.
Je l’ai encore perdu.
Je ne comprends pas la déception qui m’étreint. Après tout, cet inconnu ne m’est rien. Mais ce qu’il y avait dans son regard était si vrai, si vivant. C’est sûrement cela que je regrette. De ne pas avoir su ce qu’il pouvait y avoir derrière ce regard.
Un homme derrière moi apostrophe son épouse en désignant du doigt quelqu’un que je ne distingue pas.
- Regarde, je te dis que c’est lui…
Je suis la direction qu’il indique avec son doigt pointé. Je reconnais mon inconnu. Il est planté au beau milieu de la place, un appareil photo devant le visage. A quelques mètres devant lui, un couple d’amoureux s’embrasse passionnément, tendrement enlacé.
Mon voisin achève sa phrase :
- Regarde, je crois que c’est Monsieur D …
le surprise est jolie pourtant.. le sujet je ne sais pas – je crois que j’arrête là moi
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Il s’agissait de parler d’un inconnu .. Dont on ne sait rien. Et je me suis laissée emportée à la fin, comme toujours ! Merci d’avoir lu et de partager aussi vos contributions sur cet atelier !
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Très joliment tourné !
Si je peux me permettre, pourtant : en supprimant les deux dernières phrases, laisser au lecteur le plaisir de deviner lui-même… ou de rêver avoir suivi le patron de Métronomiques ;-)…
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Vous avez raison ! J’aurais du y penser :-))
Mais j’ai du mal à laisser une histoire finir dans le flou ..
C’est un gros défaut !
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Je ne sais pas, pour y parvenir, il faut peut être penser au lecteur, jouer avec lui…
pour parler franchement, les histoires que vous racontez ne sont pas du tout mon genre favori, au début, c’est simplement par curiosité que je les ai suivies.
puis, je me suis surprise à y prendre goût, pas vraiment à l’histoire, mais à la manière dont vous la meniez, dont vous faisiez vivre vos personnages.
et aujourd’hui, je n’en raterai une sous aucun prétexte, je suis captiv(é)e 😉 !
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À la suite de votre réponse, j’ai légèrement modifié la fin :-))
Merci de vos suggestions qui me font avancer !
En fait, je ne connais pas à l’avance les histoires que je racontent, elles naissent d’une image et je laisse couler les mots.
Un grand Merci de votre suivi et de vos mots ici :-))
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