La porte (Partie 10)

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Photo M. Christine Grimard

Je remontai jusqu’à ma chambre en empruntant l’escalier de bois dont chaque marche grinçait. Etage après étage, une fenêtre éclairait le faiblement le palier donnant sur une cour intérieure. Sur la droite, une tour barrait la perspective du bâtiment ; un fenestron à chaque étage, semblait borgne. Je m’arrêtai à l’étage inférieur au mien, et tentai de distinguer à travers les carreaux, si la pièce ronde que j’avais visitée dans mon rêve, aurait pu être située dans cette tour. Une ouverture carrée était visible sur la façade, donnant sur le pignon de l’ancien cellier devenu salle de restaurant. J’en déduisis qu’il pouvait bien être la petite fenêtre de la chambre où Blanche était recluse. Quant au passage que j’avais suivi, je n’arrivais pas à le situer. J’avais eu la sensation de m’enfoncer dans l’épaisseur des murs, mais mon sens de l’orientation avait dû être parasité par l’émotion.

Je ne saurais sans doute jamais, comment j’avais réussi à m’égarer dans le temps, en sautant d’une époque à l’autre, comme on change la tonalité d’une guitare, juste en ouvrant cette porte. Pourtant, je n’avais pas eu la sensation de rêver…

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Photo M. Christine Grimard

J’arrivai sur le palier de ma chambre, où je m’arrêtai de nouveau pour examiner la tour. Le fenestron de Blanche était sombre. L’intendante, passant derrière moi, me reconnut et d’approcha de moi en disant :

–          Vous admirez la cour intérieure, tous les bâtiments que vous voyez sont les anciens communs, écuries ou ateliers, que nous avons entièrement rénovés.

–          Oui, j’admirais le travail de restauration qui est remarquablement bien fait, sans dénaturer l’esthétique des bâtiments. La modernité des aménagements a été parfaitement bien dissimulée. Je me demandais si vous aviez aménagé aussi des chambres dans la tour qui apparaît ici, dis-je en lui montrant « la chambre de Blanche ». Une chambre ronde doit être bien difficile à meubler !

–          Non, cette tour est encore intacte. Nous n’avons restauré que l’aspect extérieur du bâtiment. A vrai dire, je ne sais même pas où se situe le passage pour y entrer. L’architecte faisait des recherches à ce sujet dernièrement, mais je ne sais pas si elles ont abouti. Si cela vous intéresse, avant de partir, je vous donnerai une plaquette que distribue une confrérie  de la région, et qui reprend quelques faits historiques liés aux bâtisses anciennes, avec quelques anecdotes à propos de ce château.

–          Oh je vous remercie, effectivement, ce court séjour, m’a donné envie d’en apprendre plus sur cette époque et sur les gens qui y vivaient. Je vais libérer ma chambre, et je retrouverai mes amis à la réception, où le vigneron qui nous a fait visiter sa cave, doit nous apporter le vin que nous lui avons commandé.

–          Très bien, je serai là, et vous aurais préparé les documents. A plus tard !

Elle s’éloigna, et disparut dans une embrasure de porte, son registre à la main. Il me restait à rassembler mes affaires avant de quitter le château. Je regardais la porte de ma chambre, en hésitant à la franchir. Maintenant que je savais que cette chambre était celle de l’Abbé, et que j’avais ressenti sa froideur dans ce corridor souterrain, la peur de le rencontrer me hantait malgré moi. Je n’avais jamais été bien courageuse et un mauvais film d’horreur suffisait à m’effrayer. Quant à communiquer avec des fantômes du moyen âge, c’était une autre histoire !

PORTE

Photo M. Christine Grimard

Je fixai le petit blason où brillait le numéro 18, me demandant si j’allais me trouver nez-à-nez avec Jehan de Grigny, en penêtrant dans la pièce. Puis, riant de ma propre folie, je poussai la porte cirée, d’une main légèrement tremblante. Un rapide coup d’œil circulaire me rassura tout à fait. On était encore dans mon siècle, le téléphone était sur la table de nuit et la porte au miroir était exceptionnellement fermée. Je décidai de faire mes valises et de descendre rapidement, quelque chose me disait de ne pas m’éterniser ici. Je passai dans la salle de bain pour rassembler mes affaires de toilette, lorsque j’entendis frapper. J’allai ouvrir la porte, quand on frappa de nouveau, et je compris que ce n’était pas à la porte d’entrée, le son provenait plutôt de la fenêtre derrière moi. Je fermai les yeux, n’osant pas me retourner, pour faire face à ce nouveau mystère. Je me sentis frissonner de la tête aux pieds, hésitant entre partir en courant et me retourner vers la fenêtre.

Après tout, que pouvait-il m’arriver ? Jusqu’ici je n’avais subi aucun dommage !

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Photo M. Christine Grimard

Reprenant courage, je me retournai et fixait la fenêtre, qui semblait tout à fait banale. Je m’approchai mais rien n’apparut, ni fantôme, ni pigeon effronté. Quelques-uns de mes collègues se promenaient dans le jardin à la française en contre-bas, ce qui me rassura. Il fallait que je me dépêche de libérer cette chambre. Je sortis ma valise et commençait à la remplir, tout en surveillant les décorations murales comme si elles allaient se mettre à bouger. Enfin, tout fut rangé, et je fis le tour de la pièce, vérifiant que je n’avais rien oublié, quand on frappa de nouveau. J’arrêtai de respirer, comprenant que les coups provenaient du miroir et non de la fenêtre.

Allais-je avoir le courage d’ouvrir la porte ?

En tremblant, j’avançai la main vers le loquet, mais je tremblai si fort que je ne parvins pas à le débloquer. J’allai renoncer quand je le vis coulisser très doucement jusqu’à se libérer complétement, et la porte commença à pivoter lentement sur son axe.

A suivre …

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Photo M. Christine Grimard

2 réflexions sur “La porte (Partie 10)

  1. Vous avez quand même pris en photo un « pigeon effronté »…

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